CHELSEA, WHAT HAPPENS ?

Last Updated on 13 novembre 2020 by Thibault Dreze

Manches retroussées, sourcils froncés et cigarette à la bouche. L’air concentré, dans sa bulle. Mains dans les poches, des allers-retours incessants entre la ligne de touche et le banc. Tout cela ponctué par des regards et brefs mots échangés avec son adjoint, l’iconique Gianfranco Zola.


Depuis la fin de la saison passée, l’ancien coach de Napoli Maurizio Sarri a répondu à l’appel de Roman Abramovich en reprenant les rennes de Chelsea, et ainsi succédant à Antonio Conte. Un italien pour un italien. Faux changement ? Même philosophie et vision du ballon ? Ce serait mal connaitre le maestro originaire de Toscane. Dès son arrivée au sein du club londonien, Sarri a révolutionné le jeu de Chelsea, le transformant (presque) intégralement à coups de transferts et tactiques, apportant à la Premier League une philosophie importée de chez lui, Italia D.O.P.

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Mais les choses ont changé. Celui que beaucoup prenaient pour un génie à son arrivée fait désormais face à une multitude de critiques, que ce soit au niveau du jeu, des résultats, ou de la gestion interne. L’heure de Maurizio Sarri est-elle en train de sonner, ou, au contraire, faut-il voir son projet comme un plan à long terme, décisif pour agrandir le palmarès Blues en Premier League et gagner un titre européen qui manque depuis maintenant 6 ans ?

Sarriball

Commençons par le début. La philosophie de Sarri, que les anglais appellent « Sarriball », débute avec la manière dont il voit et interprète le jeu sur le terrain. Pour que le Sarriball fonctionne, il faut une pièce maitresse, un rouage indispensable au centre du mécanisme, et ce rôle, Sarri l’a trouvé en Jorginho, qu’il a spécialement fait venir du sud de l’Italie avec lui. Jorginho a pour mission de reproduire ce qu’il avait précédemment fait à Naples : s’installer devant la défense, dicter le rythme, créant un tiki taka vertical en possession, et un pressing haut en récupération.

L’arrivée du milieu de terrain italien a aussi permis à Sarri de changer la position de Kanté, afin de l’impliquer dans la phase de reconversion et de contrattaque. Depuis le début de la saison, l’international français a laissé sa place de milieu défensif, et joue maintenant plus haut, dans une position plus libre. Si Maurizio Sarri l’a placé là, c’est pour sa qualité d’interception ainsi que pour son endurance et ses courses sans fin, pour presser la défense adverse et empêcher une contrattaque. De plus, la générosité de Kanté permet aux ailiers, que ce soit Hazard, Willian ou Pedro, de se démarquer plus facilement et ainsi faire des appels dans le dos de la défense.

Néanmoins, il serait fort bête de penser que le travail de Sarri s’arrête là. En effet, pour que le jeu se développe comme l’entraineur italien l’entend, l’implication de la défense dans le jeu est essentielle. Les défenseurs, gardien compris, se doivent d’être bons balle au pied. Ceci explique le fait que Sarri ait décidé de réintégrer David Luiz au sein de l’effectif, lui qui avait été écarté sous l’ère Conte.

« Un savant génie »

En effet, le central brésilien est réputé pour son apport offensif ainsi que pour ses relances, mais moins pour ses qualités défensives, ce qui justifie amplement le choix de Conte, connu pour son obsession défensive. Le rôle de David Luiz sous Sarri peut être comparé à celui de Koulibaly à Naples : lors de la reconversion offensive, les deux milieux de terrain s’écartent, pour permettre à Luiz ou Rudiger de monter balle au pied et entamer la contrattaque. A Naples, le nouveau rôle de la défense ainsi que la découverte du potentiel de Koulibaly avaient valu à Sarri les éloges du public ainsi que de Koulibaly lui-même, qui déclarait l’année passée: « C’est vraiment un génie, il voit des choses que les autres ne voient pas. Il te fait comprendre comment le football se joue et que ce n’est pas un art imprévisible. C’est un savant. » (Calciomercato).

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La philosophie de jeu de Maurizio Sarri, depuis son explosion à Empoli, jusqu’à Chelsea, peut se résumer à ces quelques points : le monopole de la possession, l’importance de la verticalité du jeu, garder l’équipe haut pour presser en phase défensive, des défenseurs et un gardien qui jouent balle au pied, et une asymétrie symétrique en phase de possession, lorsque Marcos Alonso s’ajoute au milieu alors que Azpilicueta recule d’un cran.

Une tactique non sans failles

Néanmoins, ce jeu et cette attitude, si particulier à Sarri et aux Blues, qui ravissait les fans en début de saison, pourrait bien se retourner contre eux-mêmes, si ce n’est déjà fait. Le début de saison semblait prometteur, et la bande à Sarri arrivait en novembre sans compter une seule défaite. Les choses ont changé pourtant, et les problèmes ont commencé à remonter à la surface, puisque Chelsea compte plus de six défaites entre coupes et championnat depuis novembre. Et le problème ne semble pas s’arranger, si l’on se penche sur les récentes débâcles essuyées par la bande à Sarri contre Bournemouth ou Manchester City. Il y a deux mois, Chelsea se trouvait à une distance de 11 points devant Manchester United, et les voilà aujourd’hui 2 points derrière les Reds. Comment expliquer ce choc, cette inversion de route, qui ressemble de loin à un début de naufrage ?

La première raison, et probablement la plus évidente, c’est que le jeu de Sarri ne surprend plus personne. Les adversaires ont commencé à voir clair dans la tactique de Chelsea, et en pressant Jorginho, les adversaires asphyxient le cerveau de l’équipe, empêchant Chelsea de faire ce qu’ils ont toujours fait. Cela se ressent aussi dans les chiffres, puisque le protégé de Sarri n’a, depuis le début de la saison, toujours pas délivré une seule passe décisive.

Une autre raison qui pourrait expliquer cette situation concerne la défense des Blues. Comme dit plus haut, bien que connu pour son apport offensif, David Luiz l’est aussi pour son manque d’implication dans la phase défensive. Il serait néanmoins trop facile d’attribuer toute la faute à Luiz. Le latéral espagnol Marcos Alonso, si brillant et utile avec Conte, n’est plus que l’ombre de lui-même depuis le début de la saison. Lui qui s’insérait à merveille dans un dispositif à trois défenseurs en possession et un passage à cinq en phase défensive, peine désormais à trouver ses repères dans la défense à quatre de Sarri.

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L’ancien capitaine de l’Inter, Beppe Bergomi, reconverti en consultant et commentateur sportif, le soulignait déjà en aout de l’année passée, lors d’une interview : « Je pense que Chelsea a des problèmes à régler en défense, et, Sarri, un perfectionniste, y travaillera surement ». Les quatre buts encaissés contre Bournemouth, suivi des six que les hommes de Guardiola ont infligés à Chelsea n’arrangent rien à la crise que le club traverse pour le moment.

Pourtant, le mercato de janvier semblait avoir redonné un second souffle  à l’équipe, qui, après s’être séparée de Morata et Cesc Fabregas, parti rejoindre son ancien partenaire Thierry Henry (même si pour peu…) à Monaco, avait accueilli le killer argentin Gonzalo Higuain, lui qui avait brillé avec Sarri à Naples, trouvant le chemin des filets  à 36 reprises en championnat. Bien qu’il soit encore tôt pour comprendre l’impact que Higuain et le mercato en général ont eu sur le jeu de Chelsea, la tendance ne s’est pas encore complètement renversée…

Quel avenir pour Sarri ?

Maurizio Sarri risque-t-il sa place à Londres ? Quelle attitude les dirigeants doivent-ils prendre face à la situation que le club traverse ? Les questions fusent, que ce soit chez les fans ou via les media. Certains voient Sarri comme le problème, et envisageraient donc la séparation comme seule solution, tandis que d’autres continuent à défendre l’entraineur italien.

C’est le cas de Pep Guardiola, l’entraineur de Manchester City, qui déclarait récemment « Lors de ma première année, le club ne m’a jamais mis en discussion. Aucune nouvelle sur mon limogeage en cas de défaite n’a vu le jour. Je remarque que, au contraire, avec Sarri, on en dit trop… J’ai montré à mes joueurs les matches de Sarri. Les gens ne me croiront pas, mais ils font des choses extraordinaires. Mais si l’on ne leur laisse pas le temps… (…). Souvent, la situation est complexe et demande du temps, quand on propose un jeu différent c’est ainsi. Il faut du temps, ceci m’est arrivé lors de ma première année ici, mais les dirigeants et les fans me soutenaient. Après, on gagne où on perd, mais il faut de la stabilité » (Sky Sports).

Les Blues se trouvent désormais hors du top 5, à la sixième position précisément, hors de la course au titre, et de plus en plus loin d’une place en C1. Que doit donc faire Chelsea ? C’est la question que tous les fans se posent, alors que leur club, encore impliqué en Europa League, s’apprête à affronter Tottenham ce mercredi, lors de la 28e journée de Premier League.

Antonio Morettini

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