Last Updated on 13 novembre 2020 by Thibault Dreze
Depuis plusieurs décennies déjà, le football anglais a entamé sa mue. Les hooligans ont été dégagés des stades, le kick and rush a été remplacé par des systèmes tactiques plus léchés les uns que les autres.
On arrive à peine à imaginer comment les idées de Pep Guardiola auraient été accueillies dans les années 80. À cette époque, sévissait dans les divisions inférieures du foot anglais un joueur assez caricatural d’un temps pas si éloigné : l’attaquant de pointe Roy McDonough. N’oubliez pas vos protège-tibias.
« Aujourd’hui, je ne tiendrais sans doute même pas l’échauffement d’avant-match » : Roy McDonough aura toujours été très honnête à l’heure d’évoquer sa carrière. Sa biographie « Red card Roy » (qui porte bien son nom) est ainsi remplie de témoignages déconcertants qu’on n’entendra sans doute plus jamais de la bouche d’un joueur professionnel.
Au point que les médias parlent de lui comme « le joueur le plus trash que l’Angleterre ait connu ». Un bon critère pour en attester est le nombre de cartons rouges reçus dans sa carrière : 13. Un seul joueur a fait aussi bien : Steve Walsh. Seulement, si on compte aussi les rouges récoltées lors de matchs amateurs, le bougre monte à 22, faisant presque passer Walsh pour un joueur propre. D’autant que notre attaquant à la coupe mulet ne doit pas sa réputation qu’à ses solides prestations sur le terrain…
Des débuts prometteurs
McDonough est un joueur précoce. Et ici, on ne vous parle pas de sa première titularisation ou de son premier but. A 16 ans, il soulève pour la première fois un arbitre par la gorge lors d’un match de jeunes. Le début d’une longue histoire d’amour entre Roy et les arbitres. À 18 ans, après intégré l’équipe première de Birmingham, il se saoule pour la première fois avec tout le groupe lors du voyage retour en autocar depuis Loftus Road, le stade des Queen’s Park Rangers, où il marque son premier but pro.
Là aussi, c’est le début d’une belle histoire d’amour avec l’alcool. Malgré ça, Roy est donc bien considéré un jeune joueur prometteur. Pourtant, il s’agit déjà de son dernier match en première division. Le club attire en effet au mercato plusieurs jeunes concurrents, barrant du même coup l’éclosion de McDonough. La patience n’étant pas sa qualité première, il se barre sur le champ, à Walsall en troisième division.
Mauvais karma puisque deux semaines plus tard, les deux attaquants de Birmingham se blessaient. D’autant plus que Walsall connaît une saison pourrie marquée par une relégation. Lors du dernier match de la saison, c’est de toute justesse que Roy est retenu par ses équipiers d’aller régler ses comptes en tribunes, devant les supporters sifflant l’équipe.
Étonnamment, l’attaquant reste au club et l’aide même à remonter en troisième division la saison suivante. En difficulté financière, Wallsall lui propose un nouveau contrat mais avec un salaire légèrement réduit. Sa réponse ne tarde pas : « allez vous le coller dans le cul ».
Le blues à Chelsea
McDonough met alors le cap sur Chelsea, alors en deuxième division. Où cela ne va pas vraiment coller avec le coach Geoff Hurst : « Chelsea était un cirque et Hurst le clown principal. Il ne m’avait jamais vu jouer avant et ne m’aimait pas ». De fait, l’attaquant ne disputera pas un seul officiel avec les Blues et passera un an et demi en équipe réserve.
Sa seule apparition avec l’équipe première est un match amical contre le FC Dordrecht, un club néerlandais qui alignait Robbie Rensenbrink et Johan Cruijf. Un cauchemar : « Hurst m’a demandé d’aider l’équipe et d’aller au marquage sur Rensenbrink. Seulement il décrochait beaucoup et je devais alors aller sur Cruijf. J’ai réussi à le tacler deux fois. Les 39 autres, il m’a passé ».
Nous sommes en 1980 et McDonough, un peu démotivé, boit de plus en plus. D’attaquant de pointe, il se transforme souvent en attaquant de pintes. Le natif de Solilhull se montrait toutefois plus raisonnable la veille des matchs avec l’équipe réserve, se contentant d’une douzaine de chopes. Sa spécialité : « boire une bière en moins de 7 secondes en se tenant debout sur la tête contre un mur ».
Après une année aussi blanche que la mousse de son breuvage préféré, Roy veut à tout prix quitter Chelsea, signant « au premier club pas trop loin de chez moi qui est intéressé ». Les heureux gagnants sont Colchester United. Le gaillard se renseigne quand même au moment de signer : « Et dans quelle division êtes-vous ? ». Mais l’histoire ne dure que quelques mois, le temps pour McDonough de frapper le président au visage lors d’un match à cinq sur un parking. Comment ça, un match amical ?
Joueur-entraîneur à succès
S’en suivent ensuite de courts passages à Southend et à Cambridge United. Courts mains intenses. Surtout à Southend, où il joue enfin sous la direction d’un entraîneur qu’il estime : « Pour la première fois, j’ai fait attention à mon alimentation et je buvais moins ». Un jour, avant un match important, Bobby Moore, le manager en question lui demande : « Tu ne va pas m’abandonner, hein ? ». McDonough était exclu après sept minutes, Southend perdait le match et Moore était viré.
« La seule rouge que je regrette »confesse l’attaquant. Il se fera encore remarquer en essayant de remettre en place les articulations de la main d’un de ses coéquipiers après que Ian Wright lui ait marché dessus. Résultats : les tendons ont définitivement lâché et cinq heures de chirurgie n’ont pas été de trop pour s’occuper de son cas.
Le travail achevé en beauté, il est temps pour Roy de revenir à Colchester. Là-bas, il prend tout le monde à contre-pied en ne se faisant pas exclure une seule fois en deux ans. Mieux que ça, lorsque le manager Ian Atkins s’en va, Roy reprend lui-même l’équipe, tout en continuant son job en attaque, inscrivant 29 buts sur ce qui reste sa meilleure saison, dans un rôle digne de Vincent Kompany.
Et le coach est à des années-lumières du joueur : le boucher prône un jeu léché et exige de son groupe un investissement sans faille. Le tout en agrémentant ses causeries de quelques vidéos pornos pour renforcer l’esprit d’équipe. On ne se refait pas totalement non plus. Toujours est-il que sous son règne, l’équipe remporte le trophée FA.
Mais ce paradoxe entre ce qu’il demande à l’équipe et son comportement en agace plus d’un. Ainsi, lors d’un avant-match, il prévient : « Ces adversaires vont nous provoquer. Ne ripostez pas ». Il était exclu au bout de dix minutes. L’histoire finit même en eau de boudin lorsqu’il est licencié par le club en 1994. Il faut dire qu’il avait quitté sa femme (la fille du président) pour piquer celle du jardinier. Un adieu à la hauteur pour parachever l’ensemble de son oeuvre.