Last Updated on 15 novembre 2020 by Scott Crabbé
La nouvelle était dans l’air, c’est désormais officiel : Gareth Bale est prêté pour une saison à Tottenham par le Real Madrid où il était devenu indésirable. Le voilà donc revenu chez les Spurs avec qui il faisait chavirer les coeurs en même temps qu’il dynamitait les défenses adverses depuis son flanc de 2007 à 2013. Mais sept ans après son départ, de l’eau a coulé sous les ponts de la Tamise : tant Tottenham que Bale se retrouvent bien différents de comment ils s’étaient quittés.
En football, encore plus que dans la vie, sept ans représentent une éternité. Pour nous en convaincre, replongeons en 2013, l’année où Bale quitte Tottenham. Une autre époque. Sir Alex Ferguson venait de fêter son dernier titre avec Manchester United. Christian Benteke était quatrième meilleur buteur de Premier League avec Aston Villa. Luis Suarez n’avait pas encore mordu Giorgio Chiellini. Steven Gerrard n’avait pas encore glissé. Kylian Mbappé avait 14 ans. La Corona n’était qu’une bière mexicaine dont personne ne se méfiait. Le PSG n’avait gagné que 17 de ses 41 trophées. Gareth Bale, lui, avec son transfert à 101 millions d’euros au Real Madrid, était le joueur le plus cher au monde, le joueur qui avait coûté plus cher que Ronaldo, le joueur frisson qui avait fait sauter cette barre monumentale des 100 millions.
Un autre monde
Le Gareth Bale version Spurs faisait fantasmer tout monde. Ses sprints à plus de 36 km/h rendaient folles les défenses adverses. Un arrière latéral en particulier peut en témoigner. Il s’agit de Maicon, le défenseur de l’Inter Milan qui a dû en l’espace de quinze jours protéger deux fois le couloir droit de l’Inter face au Gallois. Au match aller, Bale a inscrit un triplé mais les Spurs se sont malgré tout incliné 4-3 au Giuseppe Meazza.
Au match retour, il délivre deux passes décisives sans doute encore plus marquantes que ses buts du match aller tant il dépose tout le monde en quelques foulées sur son flanc avant de céder le ballon à Peter Crouch d’abord, Roman Pavlyuchenko ensuite, qui n’avaient plus qu’à pousser le ballon au fond des filets. Tottenham tenait sa revanche (3-1) et la hype Gareth Bale était définitivement née.
Bale était devenu le gendre idéal, le beau-fils que toutes les mères rêvaient d’avoir. Le mec simple qui malgré le succès revenait en toute simplicité chez ses parents quand il avait un jour de congé, là où d’autres seraient partis se dorer la pilule dans des destinations plus exotiques les unes que les autres. Et puis, le Real Madrid est arrivé avec son offre galactique. Le natif de Cardiff quittait la BBC anglaise pour former la ligne d’attaque homonyme en compagnie de Benzema et Ronaldo.
Malgré des moments mythiques comme ce but en finale de Coupe du Roi où il ridiculise Marc Bartra ou cette bicyclette contre Liverpool en finale de Ligue des Champions, Bale n’aura jamais vraiment convaincu à Madrid. La faute à des blessures récurrentes (près de 450 jours passés à l’infirmerie sur sa période madrilène) et à une implication qui a souvent posé question. De joueur modèle il s’est transformé en mec au look négligé qui préfère jouer au golf plutôt que de défendre les couleurs de son club. Ses statistiques ont beau être impressionnantes (105 buts et 68 assists en 251 rencontres), personne ne s’est opposé au départ de la deuxième recrue la plus chère de l’histoire du club derrière Eden Hazard.
Un club en chantier
À Tottenham aussi, tout a changé. Du noyau qu’a côtoyé Bale juste avant son départ, ne subsistent que trois joueurs : Hugo Lloris, alors tout juste arrivé de Lyon, Dany Rose, tout juste débarqué de Sunderland et Harry Kane, un tout jeune attaquant qui enchaînait les prêts pour gratter un peu de temps de jeu. À part ces trois-là et le président Levy qui n’a en rien perdu son avarice légendaire (ça serait trop beau), c’est presque comme si l’ancien enfant prodige débarquait dans un nouveau club.
Embed from Getty ImagesTottenham a laissé son passé romantique de côté pour devenir un mastodonte du football européen. Du chaleureux White Hart Lane où Bale effectuait ses plus beaux débordements, il ne reste rien. Démoli pour faire place à une enceinte flambant neuve de 62 000 places censée faire franchir un palier au club. Ne cherchez plus le folklorique Harry Redknapp sur le banc, ni même le romantique Mauricio Pochettino : produire un jeu chatoyant est une chose, gagner en est une autre. C’est dans cette optique que les principes de jeu de Pochettino ont fait place nette au pragmatisme de José Mourinho.
L’objectif est clair : gagner. Peu importe la philosophie. Peu importe le prix. Une rupture assez nette avec la vision des dernières années. La pilule passe assez mal auprès de certains supporters, d’autant plus quand on voit que les résultats ne sont même pas à la hauteur. Puisse Gareth Bale ménager le chèvre et le chou en mettant son talent de créer des occasions à partir de rien au service du jeu opportuniste de Mourinho tout en faisant renaître un peu de magie d’antan dans les yeux des supporters.