Last Updated on 15 novembre 2020 by Scott Crabbé
Les divisions inférieures anglaises sont truffées d’équipes et de joueurs aux histoires singulières. Aujourd’hui, petit saut en Essex Division, l’équivalent du neuvième échelon du foot anglais, pour en découvrir l’équipe promue : Hashtag United. Bienvenue dans un club né d’une chaîne YouTube avec à sa tête un président qui donne des leçons de marketing et d’humanité aux mastodontes de la Premier League. #Renversant
Parmi les villes qui vivent au rythme du football, Londres est indiscutablement dans le haut du classement. Rien que dans le foot professionnel, la capitale anglaise compte douze clubs. Sans compter les innombrables équipes amateurs qui ont émergé à presque chaque coin de rue. Au milieu de ces institutions souvent plus que centenaires, un club attire d’emblée l’attention, rien que par son nom : Hashtag United.
Direction Tilbury, à l’extrême est de Londres. C’est là, dans des faubourgs où se côtoient des pâtures et les Docks le long de la Tamise, que se trouve le stade de Chadfields, l’antre d’Hashtag United. L’enceinte de 4000 places a bien du mal à soutenir la comparaison avec l’Emirates Stadium ou Stamford Bridge, trônant fièrement à quelques encablures de là. Pourtant, leur chaîne YouTube est suivie par près d’un demi-million de personnes, soit plus qu’Everton et Leicester réunis.
Des succès à la chaîne (YouTube)
Tout a démarré il y a seulement quatre ans, grâce à un homme qui ne se destinait pas à une carrière de dirigeant. Spencer Owen, 28 ans à l’époque, ambitionnait de percer dans le stand-up avant de gentiment se planter. Owen se consacre alors presque entièrement à YouTube et à sa deuxième grande passion : le foot.
Après sa chaîne perso (Spencer FC), le bougre en lance une deuxième nommée Hashtag United où on le voit jouer avec ses potes, entre matchs improvisés et concours de transversales. De fil en aiguille, le youtubeur monte une équipe et organise des matchs contre des équipes amateurs ou constituées de managers d’équipes pro. Le tout, filmé et résumé par une équipe de professionnels. Et lorsqu’on lui demande si cela vaut la peine de mettre tant de moyens pour se filmer jouer avec ses potes, Owen répond : « Je vois plus loin, on est en train de construire quelque chose ».
La suite lui donne raison : au fur et à mesure des matchs amicaux, la sauce prend, tant en au niveau sportif qu’en nombre de vues. Résultat, les sponsors commencent à arriver : Coca-Cola et Umbro sont parmi les premiers à s’associer à ce projet insolite. « Mon rêve était de gagner suffisamment d’argent pour un jour acheter un club. Mais une fois que l’aventure YouTube a démarré, on s’est rendu compte de notre audience, et on s’est dit : pourquoi ne pas transformer le virtuel en réel ? « avoue Owen.
C’est ainsi qu’en 2018, après une tournée aux Etats-Unis, le boss et son équipe demandent et obtiennent une accréditation à la FA. Hashtag United passe de chaîne YouTube à véritable club et débute donc la saison 2018-2019 en dixième division.
Embed from Getty ImagesAvec quelques renforts, le club continue de surfer sur la vague positive. La chaîne YouTube continue d’exploser grâce à son contenu : chaque déplacement en car, chaque causerie de vestiaire, chaque match est filmé et condensé dans une vidéo d’une vingtaine de minutes par week-end. Une véritable série où l’on peut s’identifier tout au long de la saison à une équipe sympa, à taille humaine, en partager chaque fou rire et chaque moment dur. Sur le maillot, le nouveau sponsor est fièrement arboré et ça a de la gueule puisque ça n’est autre que le célèbre jeu vidéo Football Manager. « Normal, le projet séduit énormément de jeunes de 20-30 ans » explique un Spencer Owen aux anges.
Contre toute attente, pour sa toute première saison, Hashtag United décroche le titre et est promu en neuvième division. Un de ses piliers, Scott Pollock, un milieu de terrain de 19 ans est même recruté par Northampton Town, une équipe pro évoluant en League Two. Malgré cette perte, l’expérimenté coach Jay Devereux a su y faire puisque cette saison encore, Hashtag était bien placé pour rafler la première place, mais le coronavirus en a décidé autrement : le championnat a été annulé, sans montant ni descendant.
L’exemple vient d’en bas
Et il n’y a pas que sur le terrain qu’Hashtag United est une machine. Manette en main, le club est tout simplement dans ce qui se fait de mieux dans le domaine de l’e-sport. La Hashtag Academy possède une équipe de cinq joueurs qui ont tous déménagé à Londres pour rejoindre le club et s’entraîner ensemble. Trois d’entre eux ont concouru à la Coupe du Monde d’e-sport, en 2018. Une nouvelle preuve de l’avance que possède le club quant à l’interactivité et la gestion des nouvelles technologies.
Là où les grands clubs commencent à peine à se doter d’un représentant e-sport ou à tourner des documentaires (on pense notamment à ceux de Manchester City ou Tottenham, en préparation), Hashtag présente des équipes bien rodées et rompues aux codes du milieu depuis plusieurs saisons déjà. Résultat, le club est désormais autodépendant financièrement grâce à des revenus publicitaires à six chiffres.
Et ce bilan, à priori froid et calculateur, comptant seulement le nombre de vues et l’argent des sponsors n’a pas d’incidence négative sur la chaleur humaine qui règne dans le stade. Loin de là. Avec ses revenus stables, le club continuera de proposer des places à prix très démocratiques, quelle que soit la division dans laquelle ils jouent. De quoi attirer des supporters désabusés par la flambée du prix des places dans les plus gros clubs (à Arsenal, le prix d’un abonnement peut grimper jusqu’à 2000 euros).
De plus, pour ce projet qui se veut vidéogénique, Hashtag a fait attention aux joueurs qu’ils recrutait, et plus particulièrement à leur mentalité. L’équipe se compose donc de mecs simples, bon enfant, qui communient avec les 4000 spectateurs après chaque match et qui ne sont pas rebutés à l’idée d’aller boire une bière au pub d’en face après le coup de sifflet final. #Santé!