Last Updated on 15 novembre 2020 by Scott Crabbé
Cette année, crise sanitaire oblige, le mercato a joué les prolongations jusqu’au cinq octobre. Si les clubs de Premier League peuvent encore négocier avec les clubs de divisions inférieures, le marché extérieur est clôturé. L’occasion de rendre un hommage ému à ceux qui ont quitté la compétition. Sortez les mouchoirs.
Dans la vie, on ne choisit pas toujours la manière avec laquelle on s’en va. C’est pareil dans le foot : certains partent avec un jubilé en leur honneur ou une statue à leur nom, d’autres ne noircissent qu’une petite ligne de la rubrique mercato en dernière page de la gazette locale. Pourtant, tous, d’une manière ou d’une autre manqueront à la Premier League. Il était temps de rédiger l’épitaphe de ceux qui ne feront plus vibrer les stades anglais cette saison (les joueurs prêtés ne sont pas pris en compte, ils ressusciteront peut-être à leur retour).
Jan Verthongen (2012-2020)
Ah Jan, tu ne méritais pas de partir comme ça. Tu as tout vécu avec les Spurs. La reconstruction après les départs de Bale et Modric, les premiers pas de Mauricio Pochettino, la campagne de Ligue des Champions 2018-2019 où Tottenham s’était hissé jusqu’en finale : tous ces moments qui ont marqué l’histoire du club, tu en étais. Tu as été un homme clé dans le processus d’expansion de Tottenham cette dernière décennie. Les supporters t’adoraient car tu symbolisais ce mix entre raffinement avec tes relances propres et la rigueur avec tes interventions décidées.
Embed from Getty ImagesC’est justement ce côté guerrier, cette roublardise qui semblaient t’assurer une place de choix dans l’équipe quand José Mourinho et son football pragmatiques sont arrivés. C’est tout l’inverse qui s’est produit : peu utilisé en 2020, ton contrat a été royalement prolongé d’un mois pour te permettre de rester sur le banc pour les derniers matchs. On a connu des adieux plus classes. Aujourd’hui, tu te relances à Benfica, où le principal défi est de renverser le FC Porto, le club qui a révélé José Mourinho. Un parfum de revanche ?
Dejan Lovren (2013-2020)
Encore un roc qui quitte la Premier League. Lovren était de la classe des véritables patrons, de ces meneurs d’hommes qui dirigent leur défense avec de la personnalité à revendre. Repenser à ses années anglaises, c’est surtout repenser à ce coup de tête victorieux inscrit à la dernière minute pour offrir une victoire 4-3 face à Dortmund en Europa League en 2016. Ses plus grands souvenirs ont beau être liés à Liverpool, c’est grâce à Southampton que le Croate découvre la Premier League. Les Saints ont la bonne idée de l’acheter à Lyon en 2013.
Après une grosse première saison où il met tout le monde d’accord, il part à Liverpool (remplacé dans la foulée par Alderweireld puis par Virgil van Dijk, il n’y a pas à dire, les recruteurs de Southampton ont du flair). Chez les Reds, il s’impose vite comme titulaire lors des premières saisons sous Jürgen Klopp. Mais depuis un certain temps déjà, Lovren chauffait de plus en plus souvent le banc, son manque de vitesse devenant de plus en plus criant dans le jeu haut de Klopp où Matip et Joe Gomez s’expriment mieux au côté de van Dijk. C’est pour sortir de cette ombre qu’il a signé au Zénith Saint-Pétersbourg pour ce qui s’apparente déjà comme le crépuscule de sa carrière.
Leroy Sané (2016-2020)
Contrairement aux deux premiers cités, en voilà un qui quitte l’Angleterre dans la fleur de l’âge. Et pourtant, à 24 ans, Leroy Sané traverse une période creuse de sa carrière. Une rupture du ligament croisé lui a valu une saison blanche dont il se remet à peine. On chuchote également que sa relation avec Guardiola n’était pas optimale même s’il clame aujourd’hui que Catalan l’a « beaucoup aidé ». Et il est vrai que son passage à City l’aura vraiment transformé.
Embed from Getty ImagesLe gamin prometteur arrivé de Schalke 04 est devenu une machine. Tant physiquement que dans ses stats (il clôture ses deux dernières saisons pleines à City avec 10 buts, 15 assists puis 10 buts, 11 assists), Sané a progressé de manière fulgurante. Capable de mettre le feu dans le rectangle à partir d’une minuscule étincelle, on brûle d’envie de voir ce que va donner son transfert au Bayern, en particulier son association avec Serge Gnabry, un autre jeune Allemand retourné au pays après un passage en Premier League.
David Silva (2010-2020)
Une statue et un terrain d’entraînement à son nom. C’est ainsi que Manchester City a décidé de rendre hommage à David Silva. Amplement mérité au vu de tout ce que Silva a signifié durant ses dix ans chez les Skyblues. Une décennie qui l’a vu aider l’équipe à remporter 13 trophées en claquant 77 buts et en délivrant 140 assists. Des statistiques démentes, et le mieux dans tout cela, c’est que ce ne sont pas les chiffres qui magnifient le mieux David Silva.
Embed from Getty ImagesCar pour se rendre compte de toute la magie que l’Espagnol a apporté, il faut tout simplement le regarder jouer, admirer sa capacité à faire briller les autres, admirer ses mouvements incessants entre les lignes, admirer ses passes dans le dos des défenseurs, bref admirer. Car le palmarès, c’est pour les pierres tombales et David Silva n’a pas encore raccroché les crampons : à 34 ans, il a signé du côté de la Real Sociedad histoire de regoûter à la Liga et de se rapprocher des siens.
Leighton Baines (2005-2020)
Une page se tourne. Après quinze ans à arpenter son flanc gauche (et même plus si l’on compte ses quelques saisons en Championship), Leighton Baines ne quitte pas seulement la Premier League, il raccroche totalement les crampons. À 35 ans, le latéral a refusé la prolongation de contrat qu’Everton lui proposait, préférant être honnête avec tout le monde : il n’y avait plus assez d’essence dans le moteur. Et au vu de son abnégation quotidienne, rien de plus logique. Baines était ce genre de joueur qui ne calculait pas ses efforts et enchaînait les va-et-vient entre les deux rectangles, quitte à finir sur les genoux.
Il émerveillait également par son pied gauche, tant pour déposer ses centres sur la tête des attaquants, tant pour envoyer des coups francs en pleine lucarne. Des qualités qui lui ont ouvert les portes de la sélection anglaise avec laquelle il compte 30 sélections (un but) et des participations à l’Euro 2012 et la Coupe du Monde 2014. Si on ne le verra plus sur un terrain, il ne quitte pas le milieu pour autant puisqu’il s’occupera de la coordination des équipes de jeunes d’Everton.
Pedro (2015-2020)
Eh oui, Pedro était encore à Chelsea. C’est vrai qu’on l’a plus souvent vu à l’infirmerie que sur le terrain pour sa dernière saison en Blues mais ça ne doit pas faire oublier tout ce qu’il a apporté à l’équipe. Souvent dans l’ombre de Willian et Hazard, Pedro a fait grandir ce groupe avec son expérience des grands événements (on parle quand même d’un champion du monde et triple vainqueur de la Ligue des Champions).
Embed from Getty ImagesSa meilleure saison à Londres a coïncidé avec le dernier titre des Blues en 2017 : il avait marqué neuf buts et délivré dix assists en soutien de Diego Costa dans le 3-4-2-1 d’Antonio Conte. Cet été, il a compris qu’avec le mercato tonitruant de Chelsea das le secteur offensif, ça ne sentait pas bon pour lui. Pedro a donc signé à l’AS Roma où il retrouve des vieilles connaissances de Premier League comme Edin Dzeko, Henrikh Mkhitaryan, Frederico Fazio ou Chris Smalling (qui vient d’être acheté définitivement). Tous les chemins mènent à l’AS Roma.
Aaron Lennon (2003-2020)
Encore un qu’on avait un peu perdu de vue. Encore un qu’on réapprend à aimer une fois son départ officialisé. Et pourtant, il n’a pas fait beaucoup de bruit en partant de Burnley où on ne comptait plus beaucoup sur lui. Comme quelqu’un qui referme tout doucement la porte pour ne réveiller personne. Alors que s’il y a bien un joueur qui enfonçait des portes, qui déverrouillait des défenses, c’était lui. Notamment pendant ses dix saisons à Tottenham où, avec son mètre 65 et son centre de gravité hyper bas, il faisait tourner tous ses adversaires en bourrique.
Ses rushs incroyables ont émerveillé la Premier League depuis ses débuts avec Leeds en 2003. C’était la dernière saison du club parmi l’élite avant leur retour cette saison et il en était déjà. Puis est venue la période où il faisait partie des meilleurs jeunes de Premier League avec Wayne Rooney et Cristiano Ronaldo. Mais à son arrivée chez les Spurs en 2014, Mauricio Pochettino lui a fait comprendre qu’il ne comptait plus vraiment sur lui. Lennon a donc été chercher du temps de jeu à Everton puis à Burnley où ça n’a pas vraiment collé. A 33 ans, il a choisi de s’exiler à Kayserispor, défunt dix-huitième du championnat turc. Qui a dit préretraite ?
Morgan Schneiderlin (2012-2020)
Le parcours de Morgan Schneiderlin renseigne qu’il a découvert la Premier League en 2012 et pourtant, c’est dès 2008 qu’il rejoint l’Angleterre. A l’époque, âgé d’à peine 19 ans, il fait le grand saut en quittant Strasbourg pour rejoindre Southampton, alors en Championship. Les débuts sont compliqués puisque le club est rétrogradé en League One pour sa première saison. Mais le Français laisse passer l’orage et apprend dans l’ombre : il se révèle être un pilier de l’équipe qui enchaîne deux montées consécutives pour se retrouver en Premier League. À l’échelon supérieur, Schneiderlin explose et est considéré comme un des meilleurs récupérateurs d’Europe.
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C’est le nombre de cartes jaunes reçues par Schneiderlin lors de sa période anglaise
Il fait partie de cette grande équipe des Saints en compagnie de joueurs comme Lovren, Alderweireld, Lallana, Sané, Graziano Pellè, Wanyama ou Dusan Tadic. La suite, c’est un transfert à Manchester United sous forme de cadeau empoisonné. Les Red Devils sont en pleine reconstruction après l’ère Ferguson. L’ambiance est morose et les nouveaux venus comme Schneiderlin, Depay, Fellaini ou autres Darmian sont vite pris en grippe. Après deux saisons dans la grisaille mancunienne, Morgan s’enfuit à Everton où après de bons débuts, son temps de jeu diminue saison après saison. Après douze ans en Angleterre, le voici de retour en France, à Nice.
Nicolas Otamendi et Claudio Bravo (2015-2020 et 2016-2020)
Pour finir, voici deux joueurs qui ont été pris ensemble pour illustrer l’obsession que Manchester City et plus particulièrement Pep Guardiola ont montré pour attirer des défenseurs de qualité. C’est bien connu, pour le Catalan, le foot se construit depuis l’arrière, il lui fallait donc une défense capable de relancer proprement et de jouer haut. À n’importe quel prix. Depuis ses débuts à Manchester, Guardiola a usé pour plus de 460 millions pour renforcer le secteur avec des transferts faramineux comme Mangala, Stones, Walker, Mendy et autres Cancelo.
Nicolas Otamendi, avec son transfert à 44 millions et les services qu’il a rendus ne s’en tire pas trop mal, mais les 115 millions dépensés cet été pour des défenseurs plus sûrs balle au pied comme Ake ou Dias lui ont fait comprendre que ça allait chauffer pour sa place. Il a donc fait le chemin inverse de Dias en allant le remplacer à Benfica. Le bilan est plus sombre pour Claudio Bravo, arrivé pour remplacer Joe Hart, sacrifié sur le champ lors de l’arrivée de Pep. Des énormes boulettes contre United et le Barca ont entamé tout son crédit et incité Guardiola a faire confiance au vieux Caballero avant de mettre 40 millions pour acheter Ederson. Un changement payant dans tous les sens du terme. Après trois ans sur le banc/à l’infirmerie Bravo est retourné en Espagne, au Betis Séville.
C’est sur ce départ par la petite porte que s’achève notre liste non-exhaustive des départs marquants de cet été. Mais séchez vos larmes, s’ils nous manqueront, d’autres sont arrivés en même temps et sont appelés eux aussi à écrire des pages tout aussi belles voir plus dorées encore que leurs glorieux prédécesseurs. Après tout, dans le football comme dans la vie, tout est un éternel recommencement.