Du futsal à la Premier League en passant par la D5 anglaise, l’ascension fulgurante de Max Kilman

Last Updated on 30 septembre 2021 by Thibault Dreze

C’est l’histoire de Max Kilman. Un Anglais, mais qui n’a pas participé au dernier Euro. Il aurait pu pourtant. Avec les Three Lions. Ou l’Ukraine. Et il aurait même pu jouer un Euro, mais de Futsal. Vous avez du mal à suivre ? C’est parce que la trajectoire de ce défenseur est unique.


Les carrières naissent parfois d’un rien. Un coup d’oeil sur un match plutôt qu’un autre. Ou quand le chef d’académie d’un club de Premier League assiste à un match de futsal pour soutenir des ex-collègues. C’est ce qui est arrivé à Max Kilman en décembre 2016. Matt Hobbs, à la tête de l’académie des Wolves, assistait à l’époque à un match de futsal entre l’Angleterre et le Pays de Galles. Une présence en dehors du cadre du boulot pour le scout. Mais son œil de professionnel est directement attiré par un joueur de l’équipe anglaise qui sort du lot. En effet, habituellement les joueurs de futsal, vu le terrain de petite taille, sont vifs, très techniques, à l’aise avec la balle et d’une taille plutôt … réduite. Max Kilman était tout l’inverse.

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Max Kilman à l’occasion d’un match de futsal entre l’Angleterre et la Pologne en novembre 2015.

Il faut dire que le mètre 92 de Kilman autour des joueurs de futsal faisait un peu tache et avait le don attirer les regards. Très habile avec le ballon, il avait même marqué dans ce match. De quoi laisser une trace indélébile dans l’esprit de Hobbs. Une trace qui encore visible aujourd’hui puisqu’un peu moins de trois ans après avoir été vu dans ce match de futsal, il allait disputer ses premières minutes en Premier League.

L’histoire est encore plus incroyable quand on sait qu’en 2016 toujours, non seulement Kilman était international anglais en futsal, mais également joueur de « prairie » puisqu’il évoluait aussi à Marlow en 7e division (prêté par son club de Maidenhead United en National League, l’équivalent de la 5e division anglaise). Des parquets à la boue, il n’y avait qu’un pas pour celui qui avait été recalé au centre de formation de Fulham.

Non-League football

Après ce fameux match de futsal en décembre 2016, Hobbs l’esprit toujours occupé par Kilman, va faire quelques tours en province pour revoir le grand Max. Toujours charmé par ses prouesses physiques, ses capacités dans les duels aériens, son agressivité et sa technique, le recruteur fait part de sa trouvaille au directeur sportif. Les deux hommes voient en Kilman un défenseur pétri de talent et une recrue parfaite pour le système de Nuno Espirito Santo.

Des qualités qui ne sortent pas de nulle part. »Le futsal a définitivement aidé mon football, surtout quand j’avais environ 15 ou 16 ans. Par exemple, avant le Futsal, j’étais un peu nerveux pour récupérer le ballon d’une touche, mais le Futsal m’a aidé à me sentir plus concentré, à prendre une décision plus rapide. Beaucoup de gens disent que le futsal vous améliore techniquement, mais pour moi, j’ai trouvé que cela aidait aussi davantage sur le plan tactique. Cela vous rend plus intelligent, plus conscient et plus rapide dans ce que vous faites et vous réfléchissez davantage pendant le jeu », explique le joueur dans un portrait de la Fédération anglaise de football.

Mais avant de transférer Kilman, des contacts sont pris avec son club de Maidenhead qui accepte de laisser son joueur participer à un stage d’essai avec les U23 de Wolverhampton. Le joueur y répond totalement aux attentes. Il est testé en tant que défenseur central et défenseur gauche dans une défense à trois. Il excelle partout.

« Mais ce qui ressortait vraiment du lot, c’étaient ses qualités techniques. Un contrôle facile, une bonne première touche, jamais sous pression ou subissant le pressing, voilà des qualités et des traits que Nuno adorerait aussi. Les Wolves ont d’ailleurs reconnu que les grands défenseurs centraux dans les académies n’ont pas tendance à avoir les mêmes capacités que Kilman », explique The Athletic. Les recruteurs sont conquis et le grand défenseur rejoint la meute des Wolves lors de l’été 2018.

Kilman allait devenir ainsi le premier joueur à passer directement du non-League football (au delà de la League Two) à la Premier League, sans aucun prêt entre les deux, depuis Chris Smalling et son passage de Maidstone à Fulham en 2008.

Bouillon de culture

Outre cette double casquette sportive, Kilman est aussi une sacrée personnalité. Au moment de rejoindre les espoirs de Wolverhampton, outre son talent, c’est surtout son caractère qui a aidé. En effet, le joueur avait déjà 20 ans à l’époque et les recruteurs voulaient faire baisser l’âge moyen de leur équipe de jeune. Mais son comportement a convaincu. « Il semblait incroyablement reconnaissant pour l’opportunité qu’il a eue de partir en stage avec Wolverhampton. Il s’est révélé intelligent, terre à terre, prêt à écouter les conseils, motivé et très, très désireux de s’améliorer. Il n’y avait ni airs ni grâces », rapporte The Athletic. Il a instantanément impressionné, sur, et en dehors du terrain.

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Il faut aussi préciser que le joueur a aussi une casquette multiple en dehors du terrain. En effet, né à Londres, Kilman est un personnage décontracté, mais extrêmement déterminé. Il parle russe grâce à son père à moitié russe et sa mère à moitié ukrainienne. De quoi laisser entrouverte une porte vers une sélection internationale pour la Russie ou l’Ukraine. « Quand j’étais plus jeune, je restais parfois à Moscou et je passais beaucoup de temps à Kiev, où vivent encore les parents de ma mère. Le côté de mon père a tous émigré à New York, donc mon russe n’est pas aussi bon qu’il devrait l’être, mais je peux toujours le parler », expliquait-il en 2020.

D’ailleurs, en mars 2021, le sélectionneur ukrainien Andriy Shevchenko avait annoncé avoir demandé à la FIFA de changer l’allégeance nationale de Kilman pour l’Ukraine. Mais un mois plus tard, la FIFA rejetait la demande, expliquant que ses apparitions pour l’Angleterre dans des matchs de futsal l’obligeaient à jouer pour l’Angleterre, et ce, dans n’importe quelle forme de football. Le voilà donc « condamné » à jouer pour les Three Lions.

Une saison 2021-22 qui commence bien

Depuis son arrivée dans la banlieue de Birmingham, Kilman a connu une progression très linéaire. Sa première saison, il a évolué la plupart du temps avec les U23. En faisant tout de même sa première apparition en Premier League lors de l’avant-dernière journée de championnat en montant au jeu face à Fulham. La suivante, 2019/20, il se contente principalement des compétitions annexes comme l’Europa League et les Coupes, car il ne participe qu’à 3 matches de Premier League. L’an dernier, le joueur connait une saison plus remplie avec 18 matches de championnat disputés. S’il doit souvent ses titularisations aux blessures des autres défenseurs comme Willy Boly ou Romain Saïss, il n’a jamais démérité et a parfois été proche d’un statut de titulaire.

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« Max, je pense que tout le monde le sait, il jouait avec les U23 et sa carrière professionnelle de football a été très prématurée. Je pense qu’il a quelque chose. Il travaille très dur, il sait ce qu’il doit améliorer et il est devenu plus fort au fil du temps. Attendre son moment et la façon dont il se prépare pour une compétition, c’est tout ce qui compte pour nous. Lorsque votre chance se présente, vous devez répondre présent, et c’est ce que Max a fait« , expliquait d’ailleurs son coach Nuno la saison passée. Des performances et un professionnalisme qui font douter les dirigeants des Wolves à chaque mercato. Dans la mesure où ils se demandent s’il est bien utile de recruter un autre défenseur vu le travail abattu par Kilman.

La preuve, cette saison, il est titulaire indiscutable dans la défense de Wolverhampton. Au point de prendre la place du taulier Willy Boly. Il faut dire que le trio qu’il forme avec Saïss et Coady donne entière satisfaction à Bruno Lage. Même si les résultats sportifs pourraient être meilleurs. Difficile de dire si Kilman va connaître, à 24 ans, sa première saison pleine en Premier League. L’important est que ce genre de trajectoire donne beaucoup d’espoir et apporte un vrai vent de fraîcheur. L’histoire d’un gars avec la technique du futsal et la puissance d’un joueur de non-league. Des parquets à la boue du dimanche après-midi, Kilman a un destin unique et son histoire est déjà très belle. C’est aussi ça le football.

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