Colin Kazim-Richards : après 16 clubs et 8 championnats différents, le bourlingueur est de retour en Angleterre

Last Updated on 13 novembre 2020 by Thibault Dreze

En cette fin de mercato, Derby County, le club de Championship où évolue un certain Wayne Rooney, a surpris en rapatriant Colin Kazim-Richards, âgé de 34 ans et disparu des radars depuis longtemps. L’international turc qui est né et a grandi en Angleterre n’avait plus joué pour un club d’Outre-manche depuis une pige au Celtic en 2015-2016. C’est que Kazim-Richards a une carrière bien chargée qui ferait une excellente série Netflix. Préparez le popcorn.


Colin Kazim-Richards était sans club depuis le mois d’août, quand le contrat qui le liait à l’équipe mexicaine de Pachuca est arrivé à son terme. L’occasion était trop belle pour Derby County qui le fait revenir en Angleterre, là où tout a commencé pour lui, avant de devenir un globe-trotteur dont le curriculum vitae renseigne seize clubs éparpillés dans huit pays différents. Il faut dire qu’il est le fruit de parents qui ont le voyage dans le sang.

Transféré grâce à un supporter

Colin naît le 26 août 1986 à Leytonstone, un quartier du nord-est de Londres, d’un père originaire d’Antigua-et-Barbuda (un tout petit état dans les Caraïbes) et d’une mère qui est une Chypriote turque. Un vrai bouillon de culture : « C’était difficile parce qu’une moitié de ma famille est musulmane et l’autre chrétienne. Mais je me suis toujours senti turc, j’allais dans une école turque étant petit ». Au milieu de tous ces questionnements, le petit Colin joue au foot, et plutôt bien puisqu’il transite par les centres de formation d’Arsenal et des Queen’s Park Rangers. Mais c’est au Bury FC, en League Two, qu’il fait ses débuts professionnels, en février 2004. Évoluant tantôt sur le flanc droit, tantôt au milieu offensif, Kazim-Richards s’installe petit à petit en tant que titulaire grâce à son football plein d’audace. Jusqu’à un transfert improbable.

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À l’époque, Coca-Cola était un sponsor du football anglais et organisait tous les ans un concours très attendu. Un grand tirage au sort était enregistré entre les supporters des clubs des quatre plus grandes divisions qui s’étaient inscrits. Le gagnant remportait 250 000 euros et choisissait ainsi un joueur de ce prix qui était transféré dans son club. En 2005, c’est Aaron Berry, un fan de Brighton qui remporte le gros lot et qui choisit Kazim-Richards comme nouvelle recrue pour son équipe, alors en Championship. Un échelon plus haut, il confirme tout le bien que les observateurs disaient de lui, bouclant la saison avec six assists au compteur. Pourtant, l’équipe ne va pas bien et termine bonne dernière.

Une bonne opportunité pour les clubs de Premier League pour transférer ce talent à moindre prix. C’est finalement Sheffield United qui empoche la mise. Pas impressionné par les grands noms qu’il affronte, le gamin continue d’y aller au culot en multipliant les rushs sur son flanc droit. Son premier but parmi l’élite représente à merveille cette audace : d’un angle ultra fermé, il réceptionne un ballon repoussé par le gardien et tire au but en première intention alors que tout le monde attendait un centre. Un but qui permet à Sheffield d’égaliser contre le Bolton de Nicolas Anelka et à Kazim-Richards de définitivement délivrer sa carte de visite. Ce sera malheureusement son unique de la saison (en plus de trois assists). Au mercato d’été, il décide de renouer avec ses racines et file en Turquie, à Fenerbahce.

Archive : ceci est l’unique but de la carrière de Kazim-Richards en Premier League

Ennemi public numéro un

À Istanbul, notre homme n’est pas tout de suite titulaire : il doit attendre la fin de saison pour devenir un titulaire régulier. Il se rappelle alors aux bons souvenirs des Anglais en égalisant contre Chelsea en quart de finale de la Ligue des Champions dans un stade en fusion. Fenerbahce arrache finalement une victoire historique (2-1), mais voit la qualif’ s’échapper suite à la défaite 2-0 à Stamford Bridge lors du retour (Chelsea ira jusqu’en finale avec cette séance de tirs au but rocambolesque contre Manchester United). Sur sa lancée, il est même appelé avec la Turquie pour jouer l’Euro 2008. Titulaire lors de chaque match, il marque l’histoire avec son pays en atteignant les demi-finales.

Air amorti en conférence de presse, petite séance de jongles en jean au stade : Colin la joue plutôt décontractée lors de sa séance de présentation

Mais Kazim-Richards peine à confirmer tout ça la saison suivante : il alterne entre le banc et le onze de base de Christopher Daum. L’équipe est tout aussi irrégulière, finissant à une décevante quatrième place. Et lorsque ça ne va pas, le stade du Fener peut devenir un véritable enfer. À l’aube de sa troisième saison (autant vous dire qu’il n’est jamais resté aussi longtemps dans un autre club), il s’embrouille avec les supporters pendant son remplacement dans le derby contre Başakşehir. Quelques semaines plus tard, il prend quatre matchs de suspension pour avoir insulté un arbitre. Pendant sa peine, il est surpris en boîte de nuit alors que ses coéquipiers viennent de perdre à Kasimpaşa. C’en est trop : Colin devient véritablement la tête de turc des supporters et est prêté pour six mois à Toulouse dans la foulée.

En Turquie, Kazim-Richards était appelé Kâzim Kâzim

Après son épisode français, il revient à Istanbul sans véritable perspective d’avenir au club, son contrat ne sera pas renouvelé. Libre, il file à Galatasaray…le grand ennemi de Fenerbahce. C’est un euphémisme, sa cote de popularité auprès des fans du Fener n’a pas augmenté : il ne compte plus toutes les menaces de mort qu’il reçoit après cette trahison. Puis arrive le match tant attendu entre les deux rivaux. Kazim-Richards fait fort et ouvre le score dès la quatorzième minute dans le nouveau stade du Galatasaray et court célébrer son but devant son ancien coach du Fener. Pour faire redescendre la tension, on a connu mieux.

Ce but est malgré tout révélateur du coup de son état de forme à la hausse : à l’entraînement, Collin bosse fort (bon, désolé pour ce jeu de mots, mais il coulait de source). Il finit ses six premiers mois avec trois buts et sept assists au compteur. Mais l’accalmie est de courte durée : la saison suivante, ses titularisations se font de plus en plus rares et sans lui, l’équipe tourne bien, prenant la tête du championnat. Résultat : Kazim-Richards va se faire voir chez les Grecs. Il est prêté six mois à l’Olympiacos, l’occasion de disputer six matchs et d’ajouter une Coupe de Grèce à son palmarès (il est en même temps couronné champion de Turquie, ça a du bon d’être prêté).

Le tour de la planète foot

Ensuite, il est à nouveau prêté, à Blackburn, pour ce qui marque son retour en Angleterre. En Championship, il dispute une saison assez anonyme, au sein d’une équipe du ventre mou. En FA Cup, par contre, il s’illustre en inscrivant le seul but du match contre Arsenal sous les yeux d’un Thomas Vermaelen médusé. Un exploit qui reste sans lendemain : en fin de saison, Colin retourne à Galatasaray qui décide de ne pas le conserver et le refourgue à Bursaspor. Le club est sur la pente descendante après son dernier titre en 2010 et Kazim-Richards n’aide pas vraiment à sortir du marasme avec sa pauvre saison conclue par un maigre assist.

Outre Vermaelen, Arsenal alignait encore un certain Mikel Arteta

Nous sommes en 2015 et le joueur est à un moment ceux de sa carrière, mais comme souvent avec lui et sa courbe de forme en forme de montagnes russes, tout peut vite tourner. Il est alors prêté à Feyenoord et y signe la meilleure saison de sa carrière avec onze buts et cinq assists, contribuant grandement à la troisième place finale de l’équipe de Fred Rutten. Le club de Rotterdam l’acquiert définitivement.

Mais, alors que sa carrière semblait relancée, le voilà qui retombe dans ses travers : il menace ouvertement un journaliste qui dénonçait son manque de discipline. Colin n’est plus le bienvenu à l’entraînement et est prêté six mois au Celtic Glasgow. Et là, il nous refait exactement le même coup qu’avec l’Olympiacos : participant à quelques matchs, il est officiellement champion d’Écosse tout en se voyant également attribuer la Coupe des Pays-Bas grâce à ses 14 minutes jouées lors du premier tour au mois d’octobre. À force, on se demanderait presque si tout ça n’est pas calculé.

Mis de côté par le Celtic et Feyenoord, il prend alors tout le monde à contre-pied : à l’été 2016, le voici qui s’envole pour Coritiba, en première division brésilienne. Dans un pays qui fait plus volontiers la part belle aux dribbleurs que le costaud championnat écossais, Kazim-Richards retrouve le plaisir de jouer en même temps que ses coups de reins. Mieux, sa belle saison lui offre un transfert de rêve au Corinthians, le prestigieux club où Socràtes a mis en place la fameuse démocratie corinthiane. Avec le club de São Paulo, il joue moins (quatre titularisations seulement) mais remporte le championnat du Brésil. Encore un coup dans le mille.

Bon d’accord, on vous a mis cette vidéo autant pour profiter des commentateurs brésiliens que pour l’ascenseur émotionnel sur la célébration de son deuxième but

Le titre en poche, le bougre décide de donner un nouvel élan à son aventure du bout du monde et signe à Lobos, un club de première division mexicaine. Il y dispute six mois plutôt honnête avant d’à nouveau changer de crèmerie et de partir à Veracruz, un autre club de l’élite mexicaine. Il n’a pas idée du pétrin dans lequel il s’est fourré. Le club est criblé de dettes, les joueurs sont payés avec des mois de retard. Et sur le terrain, ça se ressent forcément : Colin doit attendre son trente-deuxième match (il n’y pas de faute de frappe) avec l’équipe pour goûter à la victoire (il marque d’ailleurs le seul but de la rencontre). Sur ce laps de temps, Veracruz se mange des défaites abyssales : deux 5-0, un 7-0, et même un 9-2.

La situation tourne au cauchemar : « C’était horrible, nous n’étions plus payés mais je suis resté par solidarité, j’ai aidé les jeunes qui commençaient vraiment à être dans le dur jusqu’à se demander s’ils allaient avoir de quoi s’acheter à manger ». Le summum de cette farce intervient lors d’un match surréaliste contre le club des Tigres d’André-Pierre Gignac. Les joueurs de Veracruz, devant leur propre public, décident de ne pas bouger lors des quatre premières minutes, en guise de protestation.

Un peu perturbés, les adversaires font d’abord preuve de solidarité et restent eux-aussi dans leur moitié de terrain avant d’aller un peu honteusement inscrire deux buts sans rencontrer la moindre opposition. Après ça, les joueurs de Veracruz se mettent à jouer tout à fait normalement, limitant même le score à 1-3, avec un but de Kazim-Richards.

Pas étonnant de se prendre des casquettes avec une charnière centrale aussi lente…

Mais le mal est fait : les problèmes du club sont exposés au monde entier et il ne faut qu’un mois pour le voir mis en faillite. Tous les joueurs peuvent se chercher une nouvelle équipe : Kazim-Richards trouve son bonheur en signant un contrat de six mois avec Pachuca, toujours au Mexique. Treize matchs plus tard, le revoilà sans club. L’offre de Derby County tombe alors à point nommé. Elle marque la fin de ses aventures exotiques et son grand retour en Angleterre, sept ans après son départ de Blackburn. Sera-t-il un grand monsieur de la saison de Championship ? Partira-t-il après six mois pour rejoindre un petit club du Kazakhstan ? Kaziment impossible à dire tant le gaillard aime prendre le monde du football à contre-pied.

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