La meilleure défense de Lukaku ? L’attaque

Last Updated on 13 novembre 2020 by Thibault Dreze

Mis de côté à l’arrivée de Solskjaer, Romelu Lukaku est en train de remettre l’église au milieu du village. Entre critiques perpétuelles et changement de position, le Belge répond encore et toujours sur le terrain.


En football un statut peut vite évoluer. Dans le bon sens, comme dans le mauvais. Cette rengaine est aussi stéréotypée qu’authentique. En quelques mois, Romelu Lukaku a quelque peu joué aux montagnes russes, bien malgré lui.

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Titulaire régulier sous José Mourinho, l’arrivée de Solskjaer n’a pas été une bonne nouvelle pour le buteur. En effet, après deux matches hors de l’effectif, il n’a été de nouveau titulaire en championnat qu’après 4 matches. Ce qui ne l’avait pas empêché de marquer à deux reprises en montant au jeu.

Qu’importe le poste pourvu qu’on ait l’ivresse

Pendant un moment, on a eu la quasi-certitude que le reste de la saison de Romelu allait ressembler à cela : monter au jeu comme joker ou évoluer sur le flanc. Un repositionnement assumé par le coach norvégien qui ne pouvait pas faire autrement vu les performances de son autre buteur, Marcus Rashford. Romelu était donc devenu, par la force des choses, un remplaçant.

Mais la relation entre le joueur et son coach n’a jamais semblée mauvaise malgré la décision du Norvégien de se passer de Lukaku.« C’est formidable d’avoir ce genre de joueur, il est toujours heureux et travaille toujours sur ses finitions. Il a fait beaucoup de courses en long et en large, sur l’aile droite, l’aile gauche. Ces derniers temps il a dû prendre un rôle différent vu la forme de Rashford, mais il a répondu présent » expliquait OGS.

Une confiance du coach bien accueillie par Lukaku, qui a d’ailleurs récemment fait l’éloge de son coach.« Je l’aime bien », dit-il. « Il est vraiment ouvert, très honnête dans sa communication et me maintient affamé. » C’est sans doute grâce à cette confiance et à force de détermination que Lukaku a su retrouver le chemin du but.

Sa première touche semble parfois maladroite. Ses mouvements sont parfois simples et sans imagination. Il est aussi capable de rater des occasions toutes faites. Mais il est surtout capable d’exécuter des finitions à la fois clinique et gracieuse.

L’attaquant a également su se montrer disponible et ouvert, malgré des changements de postes: « Que ce soit à gauche ou à droite ou à l’avant, cela n’a pas d’importance: jouer pour ce club est un honneur et j’essaie simplement de faire de mon mieux quelle que soit la position dans laquelle je joue » explique le principal intéressé. « Si c’est à droite, j’essaierai de créer des occasions, ce que j’ai fait contre Liverpool, et si c’est devant, j’essaierai de marquer des buts. À la fin de la journée, j’essaie juste d’aider mes coéquipiers et essayez de gagner des matchs ».

Un altruisme sincère qui a encore été démontré face à Southampton. Alors que le Belge a l’occasion de marquer son troisième but du match sur un pénalty, il laisse cette tâche à son coéquipier Pogba. Comme si l’avidité des statistiques individuelle laissait place à un dévouement pour l’équipe.

Des critiques aussi constantes qu’infondées

Une forme qui ne peut que réjouir tous les fans des Diables. Sauf que le cas Lukaku a toujours divisé. Des éléments « à charge » comme son passé anderlechtois et des déclarations parfois un poil ambitieuses sont des raisons (pour certains) de ne pas l’apprécier.

Deux facteurs de défiance pour une partie du public belge qui s’est entêté à ne pas aimer Lukaku, et ce, malgré des performances sans précédents avec les Diables.

Par exemple, Romelu Lukaku, se montre très (trop) ambitieux dans Sport/Foot Magazine : « C’est l’ancienne génération qui avait peur de tout le monde. Nous, on n’a pas peur. Le premier jour où l’on se retrouve avec le noyau, on pense à notre prochain adversaire et on se dit:  » On va les gifler !  »

Face à l’Argentine, lors de la dernière Coupe du Monde, ce qui nous manquait, c’était l’expérience. Si on les joue maintenant, on les gifle ! Avec tout le respect que j’ai pour les joueurs de l’ancienne génération, à l’époque l’équipe nationale était composée à 90 % de joueurs du championnat belge. Maintenant, ils sont combien ?

Il ne faut pas dénigrer notre championnat, mais quand des joueurs du championnat belge viennent chez les Diables, à l’entraînement, ils voient directement la différence. Je me souviens que mon frère, qui pourtant ne dort jamais, a dormi de 14 à 19 h directement après son premier entraînement avec les Diables Rouges. Ça veut tout dire. »

Il est évident qu’on ne peut pas être un adorateur de tous les joueurs qui composent son équipe nationale, mais ce n’est pas une raison pour attiser une haine sur un homme en particulier.

Les propos avancés publiquement par Stéphane Pauwels, par exemple, qui disposait d’une tribune avec une audience très large, ont souvent dépassés le cadre d’une critique journalistique.

Malgré cela, Lukaku a souvent gardé la tête froide sans jamais répliquer par presse interposée comme l’aurait fait d’autres joueurs. Sa réponse est toujours la même : marquer des buts.

« Parfois, j’avais même l’impression que ça lui convenait très bien d’être critiqué parce que ça le poussait, inconsciemment, à travailler encore plus »

Un autre point de discorde était le niveau sportif du joueur. Il est vrai qu’au cours de sa progression l’attaquant a parfois dégagé une impression d’armoire à glace. Un côté pataud qui était encore plus visible après chaque contrôle manqué ou occasion galvaudée.

Comme l’explique justement le Guardian,« Il y a quelque chose de légèrement troublant chez Lukaku. C’est un joueur qui semble attirer sur lui des critiques démesurées. Quelque chose en lui qui ne semble pas convaincant. Sa première touche semble parfois maladroite, lourde. Ses mouvements sont parfois simples et sans imagination. Il est aussi capable de rater des occasions assez simples. Mais il est surtout capable d’exécuter des finitions à la fois clinique et gracieuse. »

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« Alors, quel est le problème? Lukaku marque régulièrement des buts, un nombre de buts marqués à deux chiffres depuis sept saisons. Il possède une gamme remarquable d’attributs, techniques et physiques. Le problème, peut-être, est-il qu’il n’est pas tout à fait ce qu’il semble être. Ce qui frappe le plus chez Lukaku, c’est sa taille. Il a le physique d’un target man classique, ce qui lui permet de faire des choses impossibles pour les autres. Et pourtant, il n’est pas un target man. »

25 ans et déjà parmi les grands

On a tendance à l’oublier vu ses débuts précoces (16 ans), mais Romelu Lukaku n’a que 25 ans. Un âge auquel les grands buteurs atteignent habituellement leur rythme de croisière. Romelu, lui, marque depuis bientôt 10 ans. Après avoir quitté Anderlecht avec 41 buts marqués en 98 matches (TCC), le voilà 20e buteur de l’histoire de la Premier League (depuis 1992-93) avec ses 113 buts en 246 matches. En sachant qu’il a connu une saison blanche lors de son arrivée à Chelsea.

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Depuis 8 saisons en Angleterre, l’attaquant a marqué plus de 10 buts en championnat lors des sept dernières. Des performances assez ahurissantes mais souvent minimisées vu les adversaires. Il est vrai que Lukaku marque davantage contres les « petites » équipes. Mais il n’est à United, équipe supposée dominante, que depuis une saison et demi. Ce qui ne l’a pas empêché de marquer 5 fois contre Liverpool, 4 fois contre Manchester City, 3 fois contre United et 2 fois contre Arsenal.

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Sans oublier qu’il est devenu le meilleur buteur de l’histoire des Diables Rouges à 24 ans en passant le cap des 30 buts. Il est aujourd’hui à 45 réalisations.

*Stats arrêtées au 05/03/2019

Le propos n’était pas ici de prétendre que Romelu Lukaku est le meilleur attaquant du monde. Il ne l’est pas et ne le sera jamais. Le but était simplement de mettre en avant un joueur souvent injustement critiqué, et ce, de manière souvent violente. Il ne doit pas devenir immunisé contre tous les points de vue négatifs pour autant, mais la critique doit rester posée. Romelu fera encore des mauvais matches et il ne faudra pas se priver de le dire. Mais fustiger un joueur qui chaque semaine se dépasse et bat des records est quelque peu arbitraire.

Force est de constater que Romelu Lukaku ne va pas monter un vestiaire contre son coach sous prétexte de moins jouer, d’avoir des gestes de frustrations sur le terrain quand il est dans le creux ou tendre des bras d’honneur vers ceux qui le critiquent. Son truc c’est plutôt de continuer à empiler les buts. Cela mérite bien le respect de tous.

Laurent Depoitre dans Sport Foot Magazine:


« J’admire Romelu Lukaku pour le côté zen qu’il a toujours gardé quand il s’est fait critiquer en Belgique, dès qu’il revenait jouer avec les Diables Rouges. C’est un processus qui a duré des années et c’était toujours la même chose : une occasion ratée et on lui tombait sur le dos. Pendant tout ce temps, il ne réagissait pas, en tout cas il n’avait pas de réactions négatives. Parfois, j’avais même l’impression que ça lui convenait très bien d’être critiqué parce que ça le poussait, inconsciemment, à travailler encore plus. Histoire de donner tort à ces gens-là.

Dans certains matches, j’ai eu l’impression que les sifflets le boostaient. Il se taisait, il continuait à bosser. Et pour ce qui est de bosser, je suis bien placé pour parler de lui. Quand j’étais repris en équipe nationale, il se farcissait des séances de tirs interminables, on faisait ça ensemble. Et chaque fois, j’étais sidéré. Ses tirs étaient à la fois puissants et précis. Et dans les exercices d’opposition, les défenseurs ne savaient bien souvent pas comment s’y prendre. Ils essayaient plusieurs choses mais ça marchait rarement. Lukaku recevait le ballon, contrôlait, se retournait, puis boum !

On le critiquait pour des matches internationaux dans lesquels il n’avait pas tout mis au fond, mais les Belges émettaient aussi des gros doutes par rapport à ce qu’il faisait dans le championnat d’Angleterre. Il était soi-disant incapable d’être productif avec une équipe du top, incapable d’être efficace avec une équipe qui domine, incapable de marquer contre les meilleurs adversaires. Etc, etc, ça ne s’arrêtait jamais. Mais la saison dernière, il a définitivement fait taire toutes les mauvaises langues. Son bilan avec Manchester United est extraordinaire et il a scoré contre tout le monde. Les petits, les moyens, les grands.

Il a confirmé au Mondial, il a montré qu’il était à coup sûr un des meilleurs attaquants du monde. On parlait d’un duel à distance avec Harry Kane, il s’en est très bien tiré. Avec des atouts différents. Kane participe plus au jeu, il redescend, il distribue. Lukaku fait autre chose, il est plus un point de fixation. Il a parfois du déchet technique et il n’est pas le plus explosif sur les premiers mètres mais personne n’est susceptible d’aller le rechercher quand il est lancé sur une longue distance. Pour ça, il est le numéro un mondial.

Et parfois, il sort de son registre, comme sur le but qu’il offre à Kevin De Bruyne contre le Brésil. Quel travail sur cette action ! Il y avait tout là-dedans, tout ce que Lukaku fait de mieux : puissance, vitesse, intelligence. Il veut toujours être le meilleur, il travaille pour ça, et devant le but, il y a un terme qui lui correspond à merveille : tueur. Il a un double visage, parce qu’en dehors du terrain, c’est la crème, un gars ouvert qui parle, qui conseille, qui rigole à la moindre occasion. Un bon camarade. Complètement différent de celui qu’on voit en match. »

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