La suprématie des clubs anglais en Europe: Stop ou encore ?

Last Updated on 13 novembre 2020 by Thibault Dreze

Alors que la saison 2019-2020 de Premier League est maintenant bien lancée, il est bientôt temps pour la compétition reine de reprendre ses droits. La Ligue des Champions fait son retour ce soir et, avec elle, les matchs en semaine pour quatre cadors du championnat d’outre-Manche.


Ils se nomment Liverpool, Manchester City, Tottenham et Chelsea, et ils livreront bataille aux autres grosses écuries du football européen pour toucher la coupe aux grandes oreilles. Quelles sont leurs chances respectives ? Peut-on, comme l’an dernier, assister à une razzia anglophone sur les finales ? Qui succédera aux hommes de Jürgen Klopp ?

Liverpool, candidat à un second mandat ?

À la suite de l’une des saisons les plus abouties de l’histoire du club, toute l’Europe du foot attend les Reds au tournant. Vice-champion d’Angleterre, champion d’Europe, le club de la Mersey jouera encore cette année sur tous les tableaux. Déjà leaders du championnat, ils seront opposés à Naples, le RB Salzburg et au KRC Genk avec le ballon étoilé. Un groupe a priori à leur portée, où ils retrouveront pour la seconde année consécutive le club italien. Les confrontations avaient été très disputées en 2018-2019, et ce groupe avait vu la qualification in extremis des Reds, à cause de la différence de but, faire plonger Dries Mertens et ses coéquipiers en Europa League. 

Cette saison, les autres adversaires ne se nomment plus Paris et Etoile Rouge, mais Genk et Salzburg. Des adversaires sur papier nettement inférieur à Liverpool, mais qui restent les champions en titre de leur pays respectif. Le club limbourgeois aura à cœur de se montrer dans la plus prestigieuse des compétitions européennes pour leur première participation depuis la saison 2011-2012. Salzburg, bien qu’amputé cet été d’éléments importants comme le milieu de terrain Diadie Samassekou parti à Hoffenheim ou le coach Marco Rose, reste une équipe difficile à jouer à domicile et possédant des joueurs de très bon niveau à chaque ligne. 

Malgré le niveau correct présenté par ces deux formations, il n’y a d’autres possibilités pour l’observateur avisé que de voir en ce groupe E deux duels. Alors que Naples bataillera avec Liverpool pour la première place synonyme de tête de série, le club belge et l’Autrichien se battront pour une troisième place, qualificative pour les seizièmes de finale de l’Europa League. En cette double confrontation italo-anglaise résidera la clé du parcours des Reds. D’un côté, une équipe remettant son titre en jeu, qui ne s’est pas renforcée durant le mercato, mais dont l’équipe et le coach présentent des garanties. De l’autre, un club écrasé par l’un de ses principaux rivaux dans son championnat, qui présente une défense extrêmement solide et emmenée par un coach expérimenté. 

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Plusieurs données sont importantes pour avoir un œil aiguisé sur ces deux formations : le premier match de leur saison en Ligue des Champions les opposera au San Paolo de Naples, un stade réputé un temps pour la ferveur de ses supporters et de son speaker, mais qui pose aujourd’hui beaucoup question. Un faux pas en terre italienne mettrait déjà à mal le tenant du titre, car en enchaînant ensuite avec les deux plus petites équipes du groupe, chacune à son tour, la première place pour l’un des deux favoris pourrait se jouer lors du dernier match, au mythique stade d’Anfield Road.

Au-delà de toute cette spéculation, la Ligue des Champions est-elle réellement l’objectif de Liverpool cette saison ? Quelques mois après une amère seconde place en championnat malgré un parcours quasi-parfait, et poursuivant un titre qui leur échappe depuis 1991, Jürgen Klopp et ses joueurs ne placeront-ils pas leur priorité sur celui-ci ? Ces questions sont légitimes, pour un entraîneur ayant avoué récemment qu’il pensait prendre une année sabbatique après son aventure anglaise. 

En conclusion, Liverpool apparaît comme favori de son groupe, même si le SSC Napoli sera revanchard. Malgré ce constat, plusieurs paramètres seront à prendre en compte dans la conquête d’un second titre de rang. Pas sûr que ce soit la chose qui ravirait le plus les supporters…

Manchester City, au-delà des frontières

Double tenant du titre de Premier League, l’équipe entraînée par Pep Guardiola ne connaît pas la même réussite en Ligue des Champions. En effet, le club mancunien est considéré par beaucoup de puristes du football anglais comme un usurpateur de titres, un club faux et la démonstration du football business. Difficile de les contredire, mais cette manière de voir son équipe a le don d’agacer le technicien espagnol. Suite à l’annonce des joueurs nominés pour le trophée « The Best », où aucun Citizen n’apparaissait, il avait d’ailleurs déclaré : « Peut-être qu’il nous faudra remporter cinq ou six titres ou bien récolter 250 points pour être considéré ». Une déclaration clairement visée, car malgré les titres engrangés depuis le rachat du club, City est loin d’être celui le plus populaire outre-Manche. 

Il faut reconnaître que les parcours successifs des Skyblues en Europe ne sont pas reluisants, et l’arrivée de l’entraîneur catalan n’a rien changé à ce niveau. Éliminés en quarts de finale en 2018-2019 et 2017-2018, en huitièmes en 2016-2017, Manchester City n’a plus atteint le dernier carré de la compétition depuis 2015-2016, et étaient alors sous la houlette du coach chilien Manuel Pellegrini. Alors que Guardiola a déclaré « ne pas être venu à Manchester City pour gagner la Ligue des Champions », quel espoir pour le club de voir son capitaine David Silva soulever la coupe aux grandes oreilles en juin ? 

Pourtant, les raisons d’y croire cette saison ne manquent pas. Les Citizens ont hérité d’un groupe très abordable, composé du Shakhtar Donetsk, du Dinamo Zagreb et de l’Atalanta Bergame, qu’ils devraient survoler. Le Shakhtar, bien qu’habitué à rencontrer City, ne reste que les champions d’Ukraine, le Dinamo Zagreb est plus connu en Europe pour les talents qu’il a fait éclore que pour la qualité foncière de leur jeu, bien que possédant le jeune Dani Olmo que tous les grands clubs s’arrachent, et l’Atalanta jouera cette saison sa première participation. Ce dernier club sera cependant très intéressant à suivre, vu leur saison dernière éblouissante (3e de Serie A et meilleure attaque) et la présence de nombreux joueurs de talent (Duvan Zapata, Timothy Castagne, Josip Illicic, …) avec un effectif quasiment inchangé.

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Cependant, même si City est habitué à passer les phases de groupes, ils sont régulièrement éliminés avant le dernier carré, comme explicité plus haut. Quel est le problème ? Qu’est-ce qui cloche avec eux pour répéter autant d’échecs dans la compétition européenne la plus prestigieuse ? Pourquoi n’arrivent-ils pas à reproduire leur succès national sur la scène continentale ? Selon beaucoup d’observateurs, ces échecs répétitifs sont dus au fait que City ne possède pas la « mentalité Ligue des Champions », dont d’autres équipes du championnat sont imprégnées depuis des dizaines d’années. Faut-il rappeler qu’avant son rachat en 2008, les Skyblues n’étaient guère plus qu’une équipe du ventre mou du championnat ? Alors que Liverpool ou Manchester United ont eux brillé sur la scène européenne avant cette date, City était bien loin du cador qu’il est aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, difficile de croire à une grosse performance des hommes de Guardiola cette saison en Ligue des Champions. Pour y arriver, il faudrait un changement radical de mentalité, et des priorités dirigées vers d’autres endroits que leurs propres frontières.

Tottenham, pour un nouveau cycle ? 

Finaliste de la dernière édition de la Ligue des Champions, le Tottenham Hotspur Football Club sera très observé cette saison. Peuvent-ils rééditer cet exploit ? Rien n’est moins sûr.

La saison dernière, les Spurs ont atteint la finale et finissent à la quatrième place de Premier League. Et ce, sans avoir recruté depuis un an et demi ! Belle performance pour une équipe qui, il y a 6 ou 7 ans, luttait pour le top 6. Mais cette équipe n’évoluait-elle pas en surrégime ? La question mérite d’être posée. Le onze de base était quasiment immuable, et il a fallu un renouvellement tactique perpétuel et des éclairs de génie de joueurs comme Lucas ou Son pour atteindre cette finale. La combativité montrée pas des hommes comme Sissoko a également été d’une importance primordiale dans cette campagne européenne. 

Cette année, Pochettino avait exigé des recrues à ses dirigeants. Ses demandes ont été exaucées et le club a signé Tanguy Ndombele de Lyon, Giovanni Lo Celso en provenance du Betis et Ryan Sessegnon depuis Fulham. De beaux achats sur papier, mais des achats judicieux ? Kieran Trippier est parti et n’a pas été remplacé, son poste devant être endossé par le jeune Kyle Walker-Peters. Sessegnon peut évoluer arrière gauche, mais est beaucoup plus offensif, et deux recrues au milieu de terrain alors que l’arrière garde est vieillissante, cela pose question. Ils ont cependant réussi à garder des cadres de l’équipe comme Heung-Min Son ou Christian Eriksen. 

Le début de saison est mitigé, car Tottenham pointe à la neuvième place, avec une seule victoire en quatre journées de championnat. Le temps d’adaptation des recrues est à prendre en compte, mais pour une équipe qui tournait très bien avant leur arrivée, ce constat fait grincer les dents à certains supporters. 

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En Ligue des Champions, ils seront opposés dans le groupe B au Bayern Munich, à l’Olympiakos, et à l’Étoile Rouge Belgrade. Un groupe a priori équilibré, qui mériterait en tout cas le titre de poule où les ambiances seront les plus chaudes. Le Bayern fera évidemment figure de favori, pour une équipe qui doit impérativement se relancer après une saison indigne du club (éliminé en huitièmes de Ligue des Champions, Champion d’Allemagne in extremis à quelques journées de la fin). L’Olympiakos et l’Étoile Rouge feront office d’outsider et se livreront bataille pour jouer les troubles-fêtes ou du moins accrocher la troisième place, ils seront difficiles à jouer chez eux, tant le public là-bas est un véritable douzième homme.

Et les Spurs dans tout ça ? Une pression différente pèsera sur leurs épaules, vu leur statut de finaliste de la dernière édition. Ils n’auront pas réellement d’excuse, ayant eu le temps de s’approprier leur nouveau stade flambant neuf. Il leur faudra prouver à chaque match que Tottenham est désormais, plus que jamais, un grand d’Europe et non une vibe passagère. Dans le cas contraire, la théorie de l’équipe en surrégime se validerait.

Chelsea, transition

Vainqueur de la dernière édition d’Europa League, Chelsea passera malgré cela par une saison de transition. Interdit de recrutement, le club londonien avait prévu le coup en janvier dernier en recrutant Christian Pulisic pour quelque 64 millions, anticipant ainsi le départ d’Eden Hazard, véritable leader de son équipe les saisons précédentes. Mis à part l’achat de l’ailier américain, Chelsea devra cette saison parier sur ses jeunes joueurs. Mason Mount et Tammy Abraham en tête de gondole. Ils feront aussi cette année confiance à Frank Lampard, vraie légende du club, en tant qu’entraîneur principal suite au départ de Maurizio Sarri pour la Juventus. Le technicien italien avait réussi pour sa seule saison à la tête des Blues de belles performances (troisième du championnat, vainqueur de l’EL) malgré de nombreux doutes émis par les dirigeants, ce qui avait conduit à son départ. 

Le groupe H est sans doute le plus équilibré de tous. Chaque rencontre sera d’importance égale pour les pensionnaires de Stamford Bridge car, face à l’Ajax, le FC Valence et le LOSC, difficile de dégager un réel favori de cette poule. Une chose est sûre cependant : Chelsea ne saura jouer sur tous les tableaux cette saison. Pour un club habitué à recruter à tour de bras pour ensuite prêter des dizaines de joueurs, passer deux mercatos silencieux sera compliqué à gérer. Puiser dans ses propres réserves sera une expérience nouvelle, et incombe à Lampard de gérer au mieux cette situation. L’Ajax, amputé de Frenkie de Jong et Matthijs de Ligt, semble reparti dans un bon cycle sous la houlette d’Erik ten Hag, avec plusieurs arrivées intéressantes comme le défenseur argentin Martinez ou l’attaquant néerlandais Quincy Promes. Le FC Valence est dans la tourmente. Alors qu’une réelle continuité s’était installée sous l’égide du coach Marcelino, grâce auquel le club a atteint par deux fois les phases de groupe de Ligue des Champions et a remporté la Copa del Rey, celui-ci a été récemment démis de ses fonctions par ses dirigeants, sans qu’aucune raison n’ait été communiquée. Les supporters du club catalan voient en la politique des dirigeants actuels une volonté de profit plutôt que de développer l’équipe. Le FC Valence se présentera donc dans ce groupe sous la figure d’un club en crise. Le LOSC présente à peu de choses près le même tableau que l’Ajax, avec beaucoup de départs de joueurs importants comme Nicolas Pépé ou Rafael Leão, mais des recrues intéressantes (Renato Sanches est un vrai pari, Yazici un leader technique au caractère bien trempé). Ils ont de plus réussi à garder des cadres, en la personne de Mike Maignan ou Jonathan Ikoné entre autres.

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Le parcours et les chances de Chelsea sont donc difficiles à prédire, car en fonction de leur avancée dans chacune des compétitions, leurs priorités pourraient changer. Dans une Ligue des Champions de plus en plus disputée depuis la saison dernière et l’en dedans du Real Madrid, les hommes de l’ancien numéro 8 anglais joueront-ils crânement leur chance ou préféreront-ils assurer le maximum en championnat ? Alors qu’ils seraient apparus il y a quelques années encore comme favori dans un tel groupe, ils devront aujourd’hui batailler ferme pour une qualification. 

Quelles sont les chances des clubs anglais ?

Partant de ces constats pour chaque club, difficile d’imaginer une nouvelle finale 100% anglophone dans la plus grande compétition européenne. Mais après tout, qui aurait pu prédire une rencontre Liverpool-Tottenham au dernier stade à la même période il y a un an ? La Ligue des Champions réserve chaque année son lot de surprises et c’est aussi ce qui fait son charme. Et mis à part toutes ses spéculations, il faut avouer que retrouver les clubs anglais aussi compétitifs sur la scène continentale fait plaisir à voir.

En conclusion, Liverpool aura sa chance, mais difficile de prédire s’ils ne préféreront pas assurer à tout prix le titre en championnat, City empile les titres dans son pays, mais une compétition comme la Ligue des Champions ne s’aborde pas de la même façon, surtout pour un « nouveau riche », Tottenham devra assumer son statut de récent finaliste pour ne pas décevoir ses supporters et faire démentir ses détracteurs, et Chelsea devra se relancer dans un nouveau cycle, à voir si la Ligue des Champions sera la priorité dès cette année.

Théo De Vrée

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