Last Updated on 31 mai 2019 by Thibault Dreze
Il est présent sans l’être. Jordan Henderson est un joueur de Liverpool depuis bientôt huit années, mais ne semble pas être le premier nom à qui on pense lorsque l’on évoque Liverpool. Il en est pourtant le capitaine. Un héritage lourd à porter quand on sait que son prédécesseur s’appelait Steven Gerrard.
Arrivé en provenance de Sunderland en 2011, Jordan Henderson débarque en pleine période sombre pour les Reds. Le club connaît des saisons difficiles et le niveau de l’équipe ne cesse de baisser. D’ailleurs, pour situer le contexte, lors du même mercato sont arrivés Stewart Downing, Charlie Adam ou encore Craig Bellamy. Aie ça pique.
Longtemps considéré comme un jeune talent, le milieu est petit à petit rentré dans le rang en restant néanmoins un joueur important de l’équipe.
Embed from Getty ImagesC’est au départ de Steven Gerrard que Jordan Henderson est rentré un peu plus dans la lumière: il entame la saison 2015-2016 en tant que capitaine de Liverpool. S’il était, depuis son arrivée, un joueur régulier, voire un titulaire, il est souvent resté dans l’ombre de joueur comme Gerrard, puis Coutinho avant un trio d’attaque qu’il n’est pas nécessaire de nommer.
Si Gerrard n’était pas une star dans ce qu’il dégageait, alors Henderson, sur ce point, en était le successeur désigné. Par contre sur un terrain, Stevie G mettait tout le monde d’accord. Ce qui n’a pas toujours été le cas d’Henderson.
Puis Brendan Rodgers s’en est allé et un coach allemand est arrivé. Jurgen Klopp a d’ailleurs toujours apprécié le joueur. « Hendo, de mon point de vue, est un joueur brillant, assure le coach allemand. C’est notre capitaine, c’est un personnage fantastique. Si je devais écrire un livre sur Hendo, ce serait 500 pages. »
Il n’avait pourtant pas sublimé le joueur jusqu’à présent.
Une adaptation et ça repart
Si la mue est progressive depuis l’arrivée de Klopp, elle commence à se remarquer de manière très nette. Jusqu’à l’arrivée du coach allemand, Henderson était le bon à tout faire. Un box to box qui abattait un travail énorme dans le milieu. Malheureusement, Klopp l’a fait reculer et voyait plus en lui un pur 6 à vocation clairement défensive.
Embed from Getty ImagesIl aura suffi d’un break international pour créer l’étincelle. En mars dernier l’Angleterre dispute deux matches contre la République tchèque (5-0) et le Monténégro (5-1). Deux performances qu’Henderson a particulièrement appréciées puisqu’il évoluait à un poste plus haut sur le terrain, en 8. Avec dans le rôle du 6 Dier ou Rice. Henderson, lui, complétait le milieu avec des joueurs à vocation offensive comme Barkley ou Alli.
« À partir de maintenant, quand les joueurs viendront dans mon bureau et demanderont une position différente, j’accepterai. C’est brillant ! »
De retour à Melwood, Hendo fait part de ses observations au coach. Klopp accepte et le moment charnière se fait contre Southampton. Face aux Saints, Fabinho occupe un rôle plus défensif et Henderson monte à l’heure de jeu au poste de Keita. Il marque alors son premier but de la saison quelques minutes plus tard.
« C’est mon travail de faire jouer les joueurs dans leur position la plus forte et depuis que l’on a eu cette discussion, il est plus fort que jamais », explique l’entraîneur des Reds. « À partir de maintenant, quand les joueurs viendront dans mon bureau et demanderont une position différente, j’accepterai. C’est brillant ! »
Un changement de position qui fait mouche. Depuis ce match face à Southampton, le capitaine de Liverpool a marqué une fois et donné 4 assist en 5 rencontres.
« Je ne pense pas que le manager y ait pensé avant que je lui en parle. C’est avant tout une question de collectif et je veux mettre l’équipe en premier, mais en même temps, je veux contribuer le plus possible. Je sens que je peux le faire davantage dans une position plus avancée », explique le principal intéressé au Guardian.
« Si vous regardez Fab (Fabinho), c’est tout à fait naturel pour lui, c’est sa position et il est tellement doué pour ce que ce rôle implique. Je pensais simplement que cela pourrait me donner un peu plus de liberté de jouer plus haut. Le manager me veut aux deux positions, ce qui est bon pour moi et pour l’équipe ».
Embed from Getty ImagesGraeme Souness, ancien milieu de terrain pendant l’âge d’or de Liverpool, y va aussi de son compliment en constatant qu’Henderson a « beaucoup plus d’énergie maintenant qu’il n’est plus en laisse, il va se sentir mieux. C’est certainement sa meilleure position« .
Avec le mercato d’été qui arrive, Henderson pourrait même faire économiser des millions de livres à Liverpool. En effet, si Fabinho reprend en main la tâche défensive les dirigeants Reds pourraient compter sur Henderson comme joueur plus offensif et donc gagner du temps et de l’argent dans une éventuelle recherche de recrues. Il a apporté en quelques semaines ce que Keita a mis une saison à fournir.
La preuve que parfois les solutions sont internes et que le temps d’adaptation d’un transfert est un facteur à toujours prendre en compte au moment de recruter.
Pas qu’un simple numéro
Si Jimi Hendrix chantait « If 6 Was 9 », sur les bords de la Mersey c’est plutôt « If 6 was 8 ». Henderson a réussi à prouver que son meilleur rôle n’était pas en tant que 6 mais bien comme 8.
De plus, cette illumination d’Hendo arrive à pic. Comme le résume So Foot : « Jordan Henderson endosse plus que jamais ses responsabilités, dans un moment crucial de la saison de Liverpool. De quoi calmer les critiques qui commençaient à arriver à ses oreilles et repousser la sempiternelle comparaison avec l’icône Steven Gerrard. »
Difficile de dire s’il en a souffert psychiquement ou sportivement, mais il est vrai que cette comparaison est longtemps revenue. Henderson n’aura jamais le talent d’un Gerrard et comparaison n’est pas raison. D’autant que les joueurs ne sont pas totalement identiques sportivement parlant. L’héritage d’un brassard porté par la légende d’Anfield est déjà lourd à assumer, mais que dire de l’impact sur le terrain.
Il a récupéré le titre et presque le poste, mais ne pourra sans doute jamais combler un vide comme l’a laissé Gerrard. Jordan Henderson, à défaut d’être son successeur, est en tout cas la transition idéale.
Embed from Getty ImagesPour briller en buvette :
Dans son autobiographie, Alex Ferguson, manager emblématique de Manchester United racontait qu’il s’était penché sur le cas Jordan Henderson. À l’époque, c’est un pilier des Black Cats de Steve Bruce, qui le recommande à son homologue écossais. Mais Ferguson décline poliment la proposition, expliquant que le garçon « utilisait trop ses genoux lorsqu’il courait » , une démarche qui « pourrait lui causer des problèmes physiques plus tard dans sa carrière » . Pas de quoi offusquer Hendo, qui préfère voir le verre à moitié plein : « Pour moi, c’était une sorte de compliment, pour être honnête. Si Sir Alex a décidé de ne pas donner suite à cause de ma façon de courir, c’est que j’avais dû faire des choses suffisamment intéressantes pour qu’il m’observe de manière aussi attentive. » (So Foot)