Note of the day: Et si les joueurs ne veulent pas rejouer au football ?

Note of the day: Et si les joueurs ne veulent pas rejouer au football ?

Last Updated on 13 novembre 2020 by Thibault Dreze

Avec une perspective de reprise qui se matérialise de plus en plus, il semblerait que quelques acteurs prennent la parole pour faire part de leurs craintes par rapport à cette reprise. Deeney et Kante en tête ont exprimé cette peur d’attraper le virus et surtout de contaminer leurs proches.


Et si exprimer sa peur était une forme de courage ? Et si ceux qui devraient avoir le dernier mot étaient les acteurs principaux du grand manège qu’est le football: les joueurs ? Les autorités politiques et sanitaires, les pontes des fédérations et de la Premier League négocient de concert pour une reprise le plus rapidement possible, mais il semblerait que dans tout cela, les joueurs (y compris coaches et staff), soient un peu oubliés. Pourtant, c’est bien eux qui vont se retrouver l’un sur l’autre dans ce grand rectangle d’herbe.

Pour rappel, Troy Deeney l’attaquant de Watford avait déclaré qu’il refuserait de reprendre l’entraînement pour préserver son fils atteint de problèmes respiratoires depuis la naissance. « On va être testés et on sera dans un environnement très sûr, mais il suffit d’une seule personne (contaminée) dans le groupe. Je ne veux pas ramener ça à la maison. C’est paradoxal, je ne pourrai pas aller chez le coiffeur avant mi-juillet, mais je peux m’entasser avec 19 personnes dans une surface de réparation pour disputer un ballon aérien ? Je ne vois pas comment ça peut marcher« , avait-il argumenté en pointant certaines incohérences.

Le joueur avait aussi relevé le risque de complications plus élevé pour les populations noires, comme lui, asiatiques ou d’autres minorités ethniques, en cas de contamination. En effet, une personne noire « à âge, santé préexistante et conditions socio-économiques égales, a deux fois plus de risques de mourir si elle développe le Covid-19 qu’une personne blanche » explique l’office national des statistiques (ONS).

Face à cela, le milieu de Chelsea Ngolo Kante a également émis certaines réserves concernant un retour aux entraînements. Le Français a connu plusieurs tragédies dans sa vie, son frère aîné, Niama, est décédé d’une crise cardiaque il y a deux ans et il a perdu son père à l’âge de 11 ans. Il est donc compréhensible que le joueur ne désire pas défier un virus potentiellement mortel. D’autant plus que Kante est particulièrement soucieux à propos de sa santé depuis un malaise en mars 2018 et sa crainte d’éventuels antécédents familiaux à propos de son coeur. Autorisé par le club de Chelsea à ne pas participer à l’entraînement mercredi (il était bien présent mardi) suite à ses appréhensions, les médias anglais annoncent que Kante pourrait même être excusé pour le reste de la saison.

La porte ouverte pour d’autres ?

Si les deux joueurs cités n’ont pas fermement indiqué leur refus de participer au reste de la saison, on voit mal les clubs forcer leurs joueurs à se présenter sur le terrain. Le patron du syndicat mondial des joueurs FIFPro a d’ailleurs apporté son soutien aux joueurs. « Si ces joueurs subissent des pressions ou risquent des sanctions disciplinaires, nous trouverions cela inacceptable« , a déclaré Jonas Baer-Hoffman. « L’idée que quelqu’un puisse être puni durant une pandémie pour avoir tenté de protéger la santé de sa famille est inhumaine et inacceptable. »

Si un club autorise, et c’es tout à fait louable, un de ses joueurs à ne pas disputer le reste de la saison, car il craint pour sa santé et celle de ses proches, cela pourrait faire des émules. Surtout chez les joueurs issus des minorités citées plus haut.

Des absences qui seraient cause d’un bon nombre d’interrogations sportives, mais aussi légales. Quid si un salarié invoque son droit à ne pas travailler, s’il estime que les conditions ne sont pas suffisamment sécurisantes ? Est-ce que ce type de droit existe dans le monde du football professionnel ? Comment un club comme Watford, qui bataille pour le maintien, bataillerait-il à armes égales sans une partie son effectif ou de son attaquant vedette ?

Pour rappel, la Premier League a testé 748 personnes, joueurs et personnel dans 19 clubs, et a constaté que six avaient le Covid-19. Trois d’entre eux travaillent à Watford, dont le défenseur central Aidy Mariappa. Inutile de préciser que les frayeurs de Deeney, joueur à Watford, sont donc fondées.

Des mesures paradoxales

Si des mesures sont prises et respectées pour l’entraînement, tout cela n’a plus aucun sens lorsqu’il s’agit de jouer un match. Les images venues d’Allemagne à l’occasion de la reprises de la Bundesliga le prouvent. À quoi bon un déploiement de mesures sanitaires strictes s’il est balayé dès le coup d’envoi ?

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C’est évidemment nécessaire d’espacer des joueurs de plusieurs mètres sur un banc et faire porter des masques à tout le monde, mais cette prévention est-elle encore utile lorsque vous rentrez dans le lard de votre adversaire une fois sur le terrain ? À force de se faire plus catholique que le pape, on pourrait se laisser distraire de l’essentiel.

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La pandémie implique une foule d’interrogations, de revendications et de craintes. C’est bien normal et légitime en période de crise. Cependant, on l’a candidement compris, cette reprise à tout prix est surtout nécessaire financièrement. On est loin de préoccupations altruistes ou bienveillantes pour faire plaisir aux supporters. D’ailleurs, peu d’entre nous arriveront à s’enthousiasmer devant un stade vide. C’est pourtant la réalité actuelle, et qui sera d’application pour un long moment, qu’on le veuille ou non. Mais tout cela doit-il s’opérer au détriment de la santé, de la vie de joueurs et travailleurs des clubs ?

Deeney et Kante sont peut-être les arbres, courageux, qui cachent une forêt de joueurs perplexes. D’autres voix pourraient s’élever dans les semaines à venir, prouvant que l’humain doit toujours l’emporter.

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