Un Éléphant chez les Eagles, l’essor de Zaha à Crystal Palace

Un Éléphant chez les Eagles, l’essor de Zaha à Crystal Palace

Last Updated on 13 novembre 2020 by Thibault Dreze

Il y a 10 ans presque jour pour jour (27 mars 2010) Wilfried Zaha faisait ses débuts sous les ailes des Eagles. L’occasion de jeter un regard sur une carrière aussi intrépide et surprenante que le joueur.


C’est le parcours que tout joueur rêve d’accomplir et que tout supporter aime embrasser. L’histoire d’un gamin arrivé d’Abidjan à l’âge de 4 ans qui découvre le Sud de Londres. Un jeune footballeur qui tape ses premiers ballons dans South Norwood Recreation Ground, une aire de jeu à quelques dizaines de mètres de Selhurst Park. Un minot qui a habité Rothesay Road, une des rues qui débouche directement sur l’arène des Eagles.« De chez moi, je voyais les projecteurs du stade et je me demandais ce qu’il pouvait bien s’y passer« , raconte Wilfried Zaha.

Tous ces ingrédients font que le jeune Wilfried baigne dans le claret and blue depuis son enfance. C’est donc tout logiquement qu’il rejoint le centre de formation de Crystal Palace à l’âge de 12 ans. Peut-être pour briller sous le feu de ces mêmes projecteurs qui l’intriguaient tant étant petit.

Façonné au club

«Il était très introverti», se souvient le directeur de l’Académie Gary Issott, qui connaît Zaha depuis l’âge de 12 ans. «Il venait, faisait son travail et ne posait aucun problème. C’était un bon garçon et un joueur de haut niveau, l’un des cinq premiers du groupe. Mais il n’était pas quelqu’un qui, à 16 ans, jouait avec les U18, ce que beaucoup de joueurs ont fait et continuent de faire en tant que jeunes du cru. Son processus était plus lent. »

Un processus plus lent qui ne l’empêche cependant pas d’attirer l’attention. Un autre joueur de l’académie Kieron Cadogan se souvient de sa première rencontre avec son futur coéquipier: «Je me dirigeais vers le terrain des U18 et en passant, j’ai longé celui des U16. Je me suis arrêté et j’ai dit: « Wow, qui est-ce? ». Ses pieds étaient d’une malice absolue, il était tellement rapide. Et il débordait de confiance. »

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Zaha, rangée du milieu, 3e en partant de la droite

Un sentiment partagé par Shaun Derry, qui allait devenir son capitaine quelques années plus tard. « Je me souviens d’avoir regardé l’une de ses premières séances d’entraînement et d’avoir vu ce jeune garçon qui jouait au football comme je n’avais jamais vu quelqu’un jouer au football auparavant. Quelque chose de très brut a eu lieu sur ce terrain d’entraînement, quelque chose issu de la rue », explique l’ancien milieu aujourd’hui coach à l’académie.

Mais son passage chez les U18 ne se passe pas comme prévu. « Quand j’ai atteint les U18, j’ai traversé une période où je ne jouais pas du tout. Je n’avais jamais traversé ce genre de phase, vous savez, en tant que footballeur, quand vous vivez des moments difficiles. C’était la première fois », racontait le joueur au média du club. Mais c’est sans doute avec un caractère fort et une certaine résilience que Zaha sortira de cette mauvaise passe.

Puis vient le match qui allait, à peu près, tout changer. Une rencontre de Youth FA Cup face à Newcastle en février 2010. Zaha provoque deux pénaltys et réalise un excellent match, malgré une défaite 4-2. « Je me souviens avoir envoyé un texto au PDG de Palace, Phil Alexander, sur le chemin du retour », explique Issot. « Nous avons perdu le match, mais j’ai vu une performance ce soir qui m’a donné un réel espoir. J’ai observé quelqu’un qui peut jouer dans notre équipe première. »

Un SMS qui tombait à pic, puisque Palace voulait injecter un peu de sang frais à son effectif. John Pemberton, alors coach des Eagles, décide d’organiser une séance avec les jeunes du club. Le staff visionne les joueurs et leur oeil est directement attiré par Zaha. Ils décident de lui donner sa chance avec l’équipe première.

Les débuts avec les pros

« La première chose que j’ai remarquée à son sujet quand il s’est entraîné avec l’équipe première, c’est que certains joueurs peuvent, à eux seuls, gâcher une session. Il ne l’a jamais fait. Il a ajouté de la qualité au groupe. L’autre chose que j’ai remarquée chez lui, c’est qu’il avait évidemment de très bons pieds, sa technique était bonne, mais il était assez dur. Les joueurs de l’équipe première lui donnaient des coups de pied partout et il ne faisait que continuer », se souvient Pemberton.

Les sessions d’entraînements se succèdent et Wilf continue d’impressionner et de se donner à 100%. Toujours fidèle à lui-même, concentré et sans faire de vagues. Il fait son job. Un travail qui paye puisque le 27 mars 2010, Stern John trottine en dehors de la pelouse, tape dans les mains de Zaha, qui à 17 ans et avec un sourire de gosse, fait ses débuts professionnels avec Crystal Palace face à Cardiff, à la maison.

« C’est tout ce que je voulais. C’est tout ce que j’ai vécu pour y arriver. On y est enfin », pense Zaha au moment de disputer ses premières minutes. Le premier trait d’un dessin rempli de 353 matches pour les Eagles.

L’essor confirmé

La saison suivante, en Championship toujours, Zaha est titulaire pour le match d’ouverture face à Leicester. Après 18 minutes, un long ballon venu des pieds d’Alan Lee tombe sur Zaha. Il ajuste son corps pour lober Chris Weale de l’extérieur du pied. Une finition instinctive, mais réfléchie à la fois. «Il n’y avait pas de timidité; il était comme un tourbillon», se souvient l’attaquant Alan Lee pour The Athletic. «Nous étions tous abasourdis par le talent brut de ce gamin. Je n’ai jamais vu un début (comme titulaire) aussi spectaculaire que ça ».

Cette saison 2010-2011, il allait jouer une quarantaine de match, mais sans marquer à nouveau. Deux cartons rouges ainsi que quatre jaunes consécutifs en février soulignaient un manque d’expérience et un talent excitant, mais encore brut.

Les saisons 11/12 et 12/13 sont similaires avec une quarantaine de matches joués en Championship et 6 buts inscrits pour 7 et 10 passes décisives. Suffisant pour attirer le regard d’une grosse cylindrée de l’échelon supérieur: Manchester United. Un transfert bouclé fin 2012, le jour de ses 20 ans. Comme on aime le faire en Angleterre. En janvier 2013, le transfert est officialisé contre 10 millions de livres.

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Zaha restera néanmoins, sous forme de prêt, à Selhurst Park pour la deuxième partie de saison. « Quand j’ai signé pour United, j’ai spécifiquement demandé si je pouvais retourner à Palace en prêt pour terminer la saison », avait-il demandé à l’époque. « J’avais quelque chose à y finir (NDLR: l’éventuelle montée en Premier League). »

Une deuxième partie durant laquelle il ne marquera qu’une seule fois, malgré un temps de jeu de titulaire.

En mai, Palace dispute les play-offs pour accéder à la Premier League. Après un 0-0 face à Brighton en demi-finale aller, Zaha marque les deux et uniques buts du match retour. En finale face à Watford, il donne un assist. Crystal Palace saute en première division, Zaha fait lui aussi d’une certaine manière le grand saut en changeant de tablier: Aigle contre Diable Rouge. Un adieu idéal.

L’enfer Manchester

Le rêve Manchester United de Zaha s’est effondré presque dès qu’il a commencé. Il y avait trop de pression pour s’adapter à une nouvelle vie dans une nouvelle ville, avec de nouveaux coéquipiers et un nouveau manager. L’attente énorme derrière la dernière signature de Ferguson à United est sans doute ce qui l’a brisé.

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Dans un contexte très difficile, le successeur de Ferguson, David Moyes, ne semble pas compter sur le joueur qui entre seulement deux fois au jeu en décembre. 28 minutes de jeu au total qui resteront les seules et uniques pour United en Premier League.

Il est prêté dès l’hiver à Cardiff. Un prêt pas vraiment fructueux, Zaha vit des moments difficiles cette année là. Cardiff se bat pour rester en Premier League et comme l’explique Steven Caulker coéquipier à Cardiff: «Ce n’était pas ce dont Wilf avait besoin à l’époque. Il avait besoin d’un endroit où jouer au football loin des pressions de United. Il est arrivé à Cardiff dans une grosse Lamborghini, à 21 ans, il n’a pas su faire face. Un vrai choc ».

Le retour de l’enfant prodigue

Après cette année blanche, Wilfried Zaha revient sur ses terres, d’abord sous forme de prêt, puis définitivement. Un retour synonyme d’établissement de son club de coeur en Premier League, puisque depuis 2014 le club n’est plus redescendu à l’échelon inférieur. Bien décidé à cimenter son statut d’icône du club, Zaha retrouve un rythme de croisière. En 6 saisons depuis son come-back, l’attaquant a disputé 192 matches, marqué 35 fois et donné 38 assits.

Un rapatriement à Londres aussi synonyme d’une réussite qui pérenne. En effet, depuis son retour d’Old Trafford, aucun joueur de haut niveau n’a provoqué plus de pénaltys que ses 16, aucun joueur n’a gagné plus de fautes que ses 531 (dont 112 avec un carton jaune à la clé et 7 rouge). Il est aussi le joueur qui a tenté le plus de dribbles (1 524 dont 724 réussis).

De quoi en faire l’un des joueurs en vue dans le championnat et aussi attirer une attention constante sur lui. Et qui dit attention, dit pression. « Il y a eu des controverses en cours de route. Le tempérament de Zaha peut trop souvent l’emporter, bien que pour les fans de Palace, cela fasse partie de son charme. Cela ajoute un avantage à son jeu », explique The Athletic.

Ajoutez à cela une envie constante de gagner, mais aussi d’apprendre. Encore et toujours, après 10 années passées au plus haut niveau. «Il a toujours voulu apprendre. Il écoutait toujours les conseils et était très concentré, même à sa manière », confirme Aaron Wilbraham, ex-équipier à Palace. « Malgré le fait d’avoir vieilli et mûri, il est plus attentif et à l’écoute qu’à ses débuts. »

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Une progression constante, presque immuable, au fil de ces 6 dernières saisons qui a installé Zaha comme joueur inévitable au club. Malgré, comme souvent avec ces joueurs pour lesquels on se déplace au stade, une implication défensive limitée. Même si, sous Hodgson, le jeu de Zaha a encore pris un peu plus en consistance et le joueur travaille , au détriment de ses statistiques offensives, davantage pour le collectif.

Certes le joueur a des défauts. Au niveau de son caractère, on l’a évoqué, mais il peut aussi avoir tendance à garder la balle trop longtemps. Des prises de décisions trop lentes et des statistiques assez faibles pour un joueur aussi flamboyant font aussi parties des ombres au tableau. Mais si Wilf est toujours bien placé dans le coeur des fans de Palace, c’est parce qu’il est capable de déclencher une ola et de faire claquer les sièges de Selhurst Park contre leur support parce que 25 000 fans se lèvent de concert pour acclamer son nom.

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«Crystal Palace m’a donné une chance dès les équipes de jeunes et après une période difficile à United. Tout ce que je pouvais faire était de tout donner et d’entendre les gens parler de moi positivement, tout ce que je peux dire, c’est merci», explique-t-il au média du club.

Une gratitude pas toujours facile à respecter quand on est au centre d’une saga de transfert vers un autre club, comme ce fut le cas l’été dernier. Il a fallu dès lors faire preuve de caractère pour se remettre dans le bain Palace. L’actuelle saison a d’ailleurs mis du temps à démarrer. Mais finalement, dix ans après ses débuts professionnels, Wilfried Zaha continue d’écrire des chapitres dans le grand livre de sa carrière. Et à chaque page tournée, il devient encore un peu plus une icône de Crystal Palace.


La Côte d’Ivoire plutôt que l’Angleterre

Comme sa carrière en club, celle en équipe nationale n’a pas été linéaire. Il fait toutes ses classes avec l’Angleterre (U19, U21) avant de connaître une première cap avec les Three Lions. C’était en novembre 2012 face à la Suède (5 min. de jeu). Il disputera son deuxième (et déjà dernier) match quelques mois plus tard en août 2013 contre l’Écosse. Deux amicaux et 20 minutes de jeu. Des sélections qui interviennent en plein dans son pic de forme.

Mais cet aplomb va rapidement se traduire en excès de confiance apparent, ce qui a donné à certains l’occasion toute faite de le critiquer. « À moins que je ne regarde Ronaldo ou Messi, je ne regarderai jamais quelqu’un d’autre en pensant qu’il est meilleur que moi », déclarait-il lors sa première interview majeure à la veille de cette joute internationale. Boum.

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La réaction de l’opinion publique a frôlé l’hystérie. Comment ce jeune joueur de 20 ans à peine peut-il être si arrogant? Mais cette assurance était, et est toujours, l’ingrédient clé qui le rend si agréable à regarder et fait de lui une telle menace pour les défenses adverses.

« Je ne savais pas si devais répondre favorablement à l’appel de l’Angleterre. J’étais encore partagé entre l’idée de jouer pour la Côte d’Ivoire ou l’Angleterre », expliquait-il dans la vidéo de revue de saison de Palace cette année-là. « J’ai eu une petite discussion avec ma mère et mon père et ils ont dit que je devais le faire, cela restait un aboutissement et un rêve de jouer pour l’Angleterre».

Mais à force d’être, négligé par le pays où il est arrivé tout petit, Zaha décide finalement de représenter sa nation native, la Côte d’Ivoire.

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