Aston Villa : les dessous d’un début de saison canon

Last Updated on 26 novembre 2020 by Thibault Dreze

Passé à deux doigts d’être relégué il y a quelques semaines à peine, Aston Villa est aujourd’hui une des révélations de ce début de saison. Leur septième place ne doit rien au hasard puisque Villa a déjà battu Arsenal, Leicester et Liverpool (on parle quand même d’un 7-2 face au champion en titre). Mais comment expliquer une telle progression en si peu de temps ?


« On n’écoute jamais les joueurs quand ils disent qu’il y a trop de matchs. Le calendrier est beaucoup trop chargé, ça devient vraiment difficile à gérer «  : le coup de gueule est signé de notre Kevin de Bruyne national, entre deux matchs de la Belgique. Et il est vrai que ces derniers mois, la situation est particulièrement critique : la Premier League, comme d’autres championnats, a dû imposer un calendrier démentiel aux clubs pour terminer la saison passée à cause du coronavirus. Malgré ça, elle s’est achevée tard : le 26 juillet. Pour ne pas trop empiéter sur cette saison, le championnat a repris mi-septembre. Résultat : la Premier League n’a eu que six semaines pour se préparer au lieu des deux mois habituels, et ce avec des joueurs déjà au bout du rouleau.

Mais ces derniers ne sont pas les seuls à tirer la tête : les coachs aussi sont pris de court pour préparer leur noyau. Et pourtant, sur cet intervalle, Dean Smith, l’entraîneur d’Aston Villa, et tout son staff (dont un certain John Terry) ont réussi quelque chose de grand. En effet, les Villans avaient été une des déceptions de la saison passée, ne se sauvant que d’extrême justesse grâce aux huit points pris sur les quatre derniers matchs.

Quel contraste avec l’impression qu’ils laissent en cette fin novembre : l’équipe s’est imposée 0-3 à Arsenal, 0-1 à Leicester mais surtout 7-2 contre Liverpool (et dire que les Reds avaient encore une défense complète). La récente défaite contre Brighton n’est pas de nature à saper le moral des troupes : si Villa gagne son match de retard, il sera troisième. Outre les mérites du staff, le mercato très malin, bien que pas très médiatisé, a aussi été crucial.

De la qualité plutôt que de la quantité

Après leur campagne de transferts gargantuesque d’il y a un an (douze arrivées en plus des retours de prêt), Villa a opéré un mercato plus ciblé cette année (cinq transferts entrants seulement) , rassemblant ses dépenses sur moins de renforts, mais de plus grande valeur. Et paradoxalement, c’est un joueur qui était déjà au club qui est considéré par les fans comme le meilleur transfert.

En effet, Jack Grealish, le flanc gauche qui a pratiquement sauvé Aston Villa à lui tout seul la saison passée avec ses huit buts et six assists était fortement convoité. L’international anglais a été annoncé dans les plus gros clubs, notamment à Manchester United qui était fou de sa technique si pure. Mais la direction a blindé Grealish en le prolongeant jusqu’en 2025. Un vrai signal fort pour le noyau.

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Et pourtant, ça n’était pas gagné, tant l’ailier semblait mériter une meilleure équipe, lui qui semblait souvent un peu seul à l’heure de créer le danger dans le rectangle adverse. Ce n’est plus le cas. En fin de mercato, le club a réussi à se faire prêter Ross Barkley, le milieu de terrain international qui était sur une voie de garage à Chelsea. Après ses six premiers matchs, il apparaît déjà comme un renfort crucial tant il apporte des solutions avec sa large palette de jeu.

Box to box costaud, il n’hésite pas à venir demander le ballon à ses défenseurs centraux tout en n’hésitant pas à débouler dans le rectangle adverse avec ses infiltrations depuis la deuxième ligne. Avec lui, Villa est moins dépendant de Grealish et donc moins prévisible. Le premier but contre Arsenal en est une belle illustration : Grealish et Barkley ont fait joujou avec le côté gauche de la défense des Gunners en combinant sur le flanc avant de centrer vers un joueur qui a plongé dans l’espace libre. Preuve de la confiance de Dean Smith envers Barkley, il a déclaré que l’objectif du joueur devait être d’aller à l’Euro l’été prochain.

L’autre grosse satisfaction de ce mercato, c’est Ollie Watkins, le deuxième meilleur buteur de Championship la saison passée derrière Aleksandar Mitrovic. Les 30 millions dépensés pour ce joueur de deuxième division en ont fait recracher leur cup of tea à plus d’un supporter mais Watkins a d’emblée mis tout le monde d’accord en inscrivant six buts en huit matchs de Premier League. L’ancien joueur de Brentford est un vrai numéro neuf qui marque souvent en une touche de balle et qui respire la confiance, ce qui manquait singulièrement à Wesley et Samatta, les deux attaquants de la saison passée.

Outre Watkins et Barkley, Villa a aussi investi 17 millions sur Emiliano Martínez, l’ancien gardien d’Arsenal qui avait montré de très bonnes choses lorsque Leno s’est blessé, 15 millions sur Matty Cash, un arrière droit assez complet venu de Nottingham Forest et 18 millions sur Bertrand Traoré, l’ancien ailier virevoltant de l’Ajax et de Lyon. Tous ces transferts sont aujourd’hui des titulaires indiscutables, hormis Traoré, qui souffre de la concurrence avec Trezeguet, l’ancien ailier d’Anderlecht. Le renouvellement de l’équipe est donc plus que réussi.

Vont-ils tenir ?

Vu la saison passée, on pourrait penser que l’objectif principal du club, c’est le maintien, comme on entend souvent dans ces équipes surprises de début de saison qui se retrouvent à devoir manier la langue de bois pour s’enlever de la pression. Mais Emiliano Martínez, le nouveau gardien voit plus loin : « Je ne suis pas venu ici pour jouer le maintien, je veux me battre pour la Coupe d’Europe ». Un discours ambitieux, mais confirmé par le coach : « Nous devons être à la hauteur des ambitions d’Emi« . Réalisable ?

La première chose à regarder pour obtenir un élément de réponse, ce sont les expected goals, pour voir si Villa n’est pas en surrégime suite à une grosse réussite dans les deux rectangles. Et effectivement, sur base des occasions qu’elle a créées, l’équipe aurait dû inscrire 12,72 buts. Ils en ont inscrit 18. La logique du nombre de buts encaissés est quant à elle respectée. Mais lorsque l’on regarde les expected points, qui prennent en compte les occasions créées et concédées match par match, Aston Villa est classé cinquième, soit encore mieux que leur classement actuel.

Le classement compte tenu des expected goals (dans la colonne de droite)
Source : Understat

Mais quant à savoir si l’équipe peut tenir sur la longueur, un autre paramètre rentre en compte : la fraîcheur physique. Surtout cette saison, où les joueurs surmenés se blessent plus souvent que de coutume. Là par contre, Villa a de quoi craindre. Quand on regarde les onze de base alignés depuis le début du championnat, on constate que seulement 13 joueurs différents ont été alignés au coup d’envoi (sachant en plus que Barkley est arrivé après deux matchs). Depuis que son noyau est bouclé, Dean Smith a donc toujours aligné la même équipe, hormis une titularisation de Traoré aux dépens de Trezeguet. Si cette constance favorise les automatismes, cela montre aussi que le noyau n’est pas très large et dépend des titulaires. Si des cadres venaient à se blesser ou à chercher un second souffle, cela pourrait bien compliquer les choses.

Le constat est d’autant plus alarmant que les Villans devancent au classement des clubs comme Arsenal, les deux Manchester, ou même Everton et Wolverhampton qui ont des effectifs plus fournis et qui sont normalement appelés à les dépasser. Mais en football, il n’est plus à démontrer à quel point la confiance peut jouer un grand rôle et comment une équipe qui démarre bien peut continuer à grandir en cours de saison. On ne rappellera jamais assez l’exemple de Leicester. Alors, sans rêver d’un titre, profitons de tout ce que Villa a encore à nous offrir cette saison.

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