Solskjaer: chroniques d’une réussite annoncée

Last Updated on 13 novembre 2020 by Thibault Dreze

Il fut un temps où être un supporter de Manchester United, c’était assister à du beau jeu, à des matches d’une rare intensité, à des buts de dernière minute chaque weekend. Ce temps-là, c’était l’époque de Sir Alex Ferguson, le coach qui gagnait plus de titres que son ombre, le coach avec la plus grande longévité en championnat anglais. Ce temps-là, il parait loin, mais néanmoins il est toujours bien présent dans les esprits des fans des Red Devils.


Alors, quand le 27 mai 2016, José Mourinho signe pour le club, beaucoup de supporters furent partagés. Partagés entre la joie d’avoir un coach à succès, et le scepticisme quant au jeu développé par le Portugais dans ses différentes aventures footballistiques. Il faut dire que le club mancunien sortait d’une période étrange entre le peu charismatique David Moyes et l’arrogant Louis Van Gaal.

La suite, pour le club et l’entraîneur portugais, on la connaît : une première saison correcte qui verra le club remporter le Community Shield et l’Europa League et une deuxième saison en dent de scie, sauvée par le gain de la FA Cup en fin de saison. Cependant, un problème subsiste pour les supporters : le jeu produit. Il n’est pas entièrement satisfaisant, mais malgré tout, le palmarès obtenu inspire une certaine confiance redorant ainsi le blason de Mourinho à l’aube de la 3e saison. Cette saison s’avérera être celle de trop pour le portugais. Il y eut d’abord la défaite catastrophique contre Tottenham à domicile lors de la 3e journée ; vint ensuite l’incident avec l’un des adjoints de Chelsea et enfin la défaite cuisante contre Liverpool. La patience de la direction fut poussée à bout. Mourinho fut viré le 18 décembre.

Le retour du fils prodigue

On pensait alors entrer dans une nouvelle phase instable pour Manchester. Cependant, les dirigeants annoncèrent rapidement une direction différente. « Nous nommerons un entraineur temporaire jusqu’à la fin de la saison avant de trouver un successeur » pouvait-on lire dans un communiqué officiel du club le 18 décembre tandis que la presse commence à penser sérieusement à Michael Carrick, adjoint sous Mourinho et ancien joueur du club. Évitant toute possible rumeur, dès le lendemain, Ole Gunnar Solskjaer fut nommé à la tête des Red Devils. Le natif de Kristiansund en Norvège, joueur pour Manchester United pendant les années 90/2000, inspire la confiance à tous les fans du club. Il accepta de quitter temporairement ses fonctions de coach du Molde FK (Championnat norvégien) pour venir à la rescousse du club, preuve que le club du nord-ouest de l’Angleterre fait partie intégrante de sa vie.

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Les espérances des supporters furent confirmées très vite puisque le club enchaina les victoires. Mais il restait encore une part de doute. En effet, les équipes contres lesquelles les victoires avaient été acquises n’étaient pas des foudres de guerre (Cardiff, Hudddersfield, Newcastle, Bournemouth ; les 3 dernières mentionnées étaient dans les 5 derniers du classement au moment des matches). Après le test Tottenham réussi, la victoire face à Arsenal en FA Cup, les observateurs étaient d’accord pour affirmer qu’un vrai changement était en train de se produire. Malgré la défaite contre le PSG, on sentait un nouveau vent souffler sur Old Trafford. Le sommet de cette nouvelle vague rouge fut sans doute la qualification face à ce même PSG. Avec une équipe décimée, les Mancuniens réussirent à sortir un hold-up digne du far west américain. Un peu chanceux, certes, mais la chance se provoque de temps en temps.

Des joueurs transformés

Symbole de cette résurrection, Marcus Rashford, affirmait il y a quelques temps dans une interview accordée à Manchester United que ce qui lui permet de marquer autant est le fait qu’il ait appris à jouer à toutes les positions de l’attaque. Alan Shearer, recordman du nombre de buts en premier League, déclarait le 5 février sur le plateau de la chaine officielle de Premier League que si le jeune anglais était aussi performant récemment c’est parce « que maintenant il n’a plus peur de commettre une erreur, car elle ne le fera plus sortir du 11 de base, ce qui était sa crainte sous Mourinho. Il devait toujours prouver quelque chose au portugais et du coup avait peur de commettre cette erreur ».

On peut en conclure que Solskjaer a inculqué une relation de confiance avec ses joueurs. Lorsqu’on lui demanda, en préface du match contre Leicester le 3 février, les qualités nécessaires pour être entraineur de Manchester United, il répondit : « Nous ne sommes pas ici pour parler de moi ». Il ajouta : « Tout est question de la manière avec laquelle vous travaillez avec les joueurs, de la manière avec laquelle vous travaillez pour le club. Il n’est pas du tout question de ma personne. »

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Lorsqu’on entend cela, on sent que l’entraineur norvégien essaie de tirer le maximum de ses joueurs et qu’il fait cela pour l’amour du club. Et ceci ne peut qu’être réalisé en connaissant les rouages d’Old Trafford et de ses environs. Joueur de Manchester United pendant 11 ans, c’est exactement le cas de l’ancien coach de Cardiff . Il connait bien la maison et il est également accompagné d’adjoints, eux aussi anciens mancuniens: Michael Carrick, Mike Phelan, ou encore Kieran McKenna.

La raison principale de son succès (14 victoires, 2 matches nul et 3 défaites) est certainement due au retour aux fondements de l’identité Manchester United : jeu avec risque, pressing, dynamisme, mouvement constant. Les statistiques parlent pour elles-mêmes : depuis que le norvégien est arrivé, les Red Devils ont marqué 42 buts en 19 matches, toutes compétitions confondues. La contrepartie, lorsque l’on prône un tel football offensif, c’est que l’on se met à découvert défensivement. Depuis 4-5 matches, Manchester a quelque peu faibli dans ce domaine. Pourtant, Solskjaer avait mis en place une certaine solidité défensive au début de son mandat. Il a maintenant plus de mal. En effet, en regardant les statistiques, on s’aperçoit que le club a encaissé 7 buts en 14 matches, puis 8 buts en 5 matches. On sent vraiment une rupture depuis le match à Crystal Palace, ou le match face à Southampton. Il est clair que si Manchester United veut accrocher le Top 4, il faudra mieux défendre.

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D’un point de vue belge, on pourrait regarder tous ces changements d’un très bon œil. Certes, Fellaini est parti en janvier en Chine. Néanmoins, en toute objectivité, cette décision n’a probablement rien à voir avec l’arrivée de Solskjaer. Le gros point positif, c’est la forme de Romelu Lukaku. Son doublé face au PSG et celui face à Southampton ont prouvé au grand public ce dont il était capable. Cela a également fait taire bon nombre de ses détracteurs. Pourtant, c’était mal parti lors de l’arrivée du nouveau coach. Sur le banc lors des premiers matches, la faute à un trio Lingard-Rashford-Martial qui était inarrêtable, Lukaku a pris son mal en patience et lorsque les blessures se sont accumulées aux postes d’attaquant, il a su saisir sa chance. Aligné dans un 4-4-2 face au PSG avec Rashford ou dans un 4-3-3 sur le côté droit (comme contre le Brésil cet été) face à Arsenal en FA Cup il a su tirer son épingle du jeu dans différents systèmes de jeu et à différentes positions sur le terrain.

Un système flexible

C’est exactement pour cette raison que l’entraineur norvégien s’en sort : il a créé une flexibilité tactique. Son équipe peut maintenant passer avec aisance d’un 4-3-3 à un 4-2-3-1 à un 4-4-2 entre les matches, en fonction des adversaires. De plus, puisque l’équipe joue plus haut, le bloc est compact et est très difficile à manœuvrer. L’entraineur utilise aussi les talents offensifs de ses arrières latéraux Shaw et Young ; afin de créer un surnombre sur les côtés. C’est bien cela la patte Solskjaer : rien de tactiquement extraordinaire mais c’est exactement ce dont les joueurs rouges et noirs avaient besoin.

Paul Pogba, autre symbole de la résurrection mancunienne, semble aussi prendre une autre dimension depuis quelques semaines. Le retour en forme du français, il est en grande partie du au quadragénaire norvégien. Avec son 4-3-3 (modulable en 4-2-3-1), il a mis en place une barrière devant sa défense composée de Ander Herrera et Matić. Ceci permet à Pogba d’abandonner presque toutes tâches ingrates défensives qu’il avait sous Mourinho pour se porter vers l’avant plus fréquemment. Avec 9 buts et 7 assists en 17 matches sous Solskjaer, il présente un rendement plus que correct pour un milieu de terrain. Son rendement est nettement meilleur que sous Mourinho, puisqu’il en était à 5 buts et 4 assists en 20 matches sous le portugais. (whoscored.com)

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On sent aussi une atmosphère plaisante et sereine qui règne dans le club, tant coté joueurs que supporters. Les joueurs ont l’air plus serein et joyeux depuis quelques semaines. Il est vrai qu’il est plus facile de sourire avec les récents résultats mais cette atmosphère fut très rare voire inexistante sous Mourinho, on sentait une tension constante. Quant à la foule de supporters, après chaque but ou chaque victoire, les « Ole, Ole, Ole, Oleee » aux louanges de Solskjaer résonnent dans les travées d’Old Trafford mais aussi à l’extérieur, comme lors de la victoire 1-3 au Parc des Princes il y a deux semaines.

La fin de saison approchant, il reste beaucoup d’incertitudes. Le club devra prendre une décision sur le sort de leur entraineur. Supposé rester uniquement jusqu’en juin initialement, il semble difficile d’imaginer une autre issue qu’une prolongation de contrat après le travail accompli.

Le Top 4 est lui loin d’être acquis : les joueurs devront se démener jusqu’à la dernière journée. Début de réponse samedi à 16h, à domicile face à Watford.

Rappelons aussi que les Red Devils doivent ensuite encore affronter Manchester City, Chelsea, Wolverhampton avant la fin du championnat. Arsenal, concurrent direct, n’a plus aucun membre du top 6 à affronter.

Pour ce qui est des trophées, il ne reste plus que la Ligue des Champions après l’élimination la semaine dernière en FA Cup. Face au FC Barcelone, cela s’annonce très compliqué, mais qui sait ? Peut-être qu’Ole Gunnar Solskjaer écrira une nouvelle page de son histoire mancunienne.  

Max Lohest

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