Last Updated on 15 novembre 2020 by Scott Crabbé
Aujourd’hui, la plupart des entraîneurs de Premier League sont des étrangers. Même chose en Championship où la Bielsa-mania est en marche. L’Angleterre s’est, depuis une bonne dizaine d’années, ouverte à l’international et aux changements tactiques qui vont avec. Fini le kick and rush, place aux parties d’échecs et au jeu léché. Même dans le bas de tableau.
Les choses ont bien changé depuis les années ’80. La preuve avec le Wimbledon FC, club mythique de cette décennie…à des années-lumière du tiki-taka de Guardiola. À l’époque, le jeu était plus haché qu’aujourd’hui, ça jouait à la limite. Sauf une équipe, qui allait bien au-delà. Le FC Wimbledon était détesté dans tout le pays pour son jeu hyper-violent et pour ses intimidations hebdomadaires. Se déplacer là bas, c’était comme partir à la guerre, on ne savait jamais en combien de morceaux on allait revenir.
Le match commence dans les vestiaires
En fins déstabilisateurs, les joueurs de Wimbledon n’avaient pas leur pareil pour sortir l’adversaire du match, avant même que le coup d’envoi ne soit sifflé. Le stade vétuste plongeait déjà dans l’ambiance, mais ça n’était rien comparé aux vestiaires. Vinnie Jones, le boucher emblématique de l’équipe raconte : « On s’assurait que le vestiaire était glacial. On mettait du sel dans le thé, qu’il soit horrible. Il y avait de la merde qui sortait du siphon des douches« .
Ça continuait dans le tunnel. Parfois, la lumière s’éteignait et les joueurs en profitaient pour mettre quelques coups aux adversaires. Un avant-goût de ce qui allait se passer sur le terrain. Le plan de bataille est très simple : récupérer la balle par n’importe quel moyen, la balancer devant, gagner les duels, et marquer. Un jeu qui convient parfaitement à l’équipe devenue maître dans l’art du pressing haut…très très haut. A hauteur de tête. On a déjà parlé de Vinnie Jones, le milieu défensif, véritable crapule, il n’est pas seul. Fashanu en imposait également en donnant systématiquement des coups de coude lors des duels aériens.
N’oublions pas non plus Walter Downes, milieu de terrain adepte du trash-talking qui sait pousser à bout son adversaire direct comme personne. À côté d’eux Phelan et Gibson Terry avaient presque l’air gentils alors que c’étaient les premiers à sortir la faucheuse. « Si ce style de jeu a pu exister, c’est parce que les arbitres laissaient plus jouer et qu’il y avait beaucoup moins de caméras, on pouvait encore donner discrètement un coup de coude » avoue après-coup Vinnie Jones.
Mieux vaut être dans leur équipe qu’en face ? Même pas sûr quand on sait tout ce que ses salopards s’infligeaient. Fashanu confirme : « Si vous ne pouviez pas supporter les blagues, les abus, vous étiez out. C’est aussi simple que ça. Certains n’ont pas réussi ou ont craqué« . Être attaché sur le toit d’une voiture, mettre le feu aux vêtements de son voisin, c’était monnaie courante. Certains flanchent, mais tout ça participe à une dynamique de groupe incroyable. Les gars allaient à la guerre les uns pour les autres.
De la D4 à la finale de la Cup
La belle histoire commence bien bas. En 1980, le club est promu en quatrième division. C’est là que le coach Dave Basset fourbit ses armes et construit la base de son Wimbledon. Sa philosophie est déjà très claire : « Pourquoi faire vingt-cinq passes pour aller de l’autre côté si l’important est d’aller de l’autre côté ? ». Imparable. Face à ce jeu à la fois simple, mais diablement efficace, les adversaires sont souvent sans réponses. La plupart ont les mêmes tactiques, mais jouent dans les règles, et avec moins de fureur dans leur jeu. Les résultats ne se font pas attendre : le club enchaîne deux promotions, en 1983 et 1984 pour atteindre la division deux. L’élite ne résistera pas longtemps et, en 1986, Wimbledon débarque en première division. Mais le plus beau reste à venir. En 1988, le club gagne la FA Cup en battant Liverpool en finale. Tout en gardant le jeu assassin qui est le sien.
L’équipe vit alors son apogée et est haïe et redoutée dans tout le royaume. Car par la suite, quelques joueurs-cadres s’en iront (notamment Jones à Chelsea) et l’équipe rentrera dans le rang et connaîtra bien des galères. Aujourd’hui, l’AFC Wimbledon végète en League One. Le club a même été refondé par les supporters. Les adversaires du Wimbledon des années ’80 doivent sourire devant cette situation en se souvenant de la mauvaise ambiance qui régnait lorsqu’ils y jouaient. Les blessés y ont été nombreux et des carrières s’y sont terminées dans le sang. Laissons le mot de la fin à Fashanu : « Au moins, personne n’est mort ». Le flegme britannique dans toute sa splendeur.