Sheffield United, pourquoi ça marche ?

Last Updated on 13 novembre 2020 by Thibault Dreze

Donné bon dernier de Premier League par l’écrasante majorité des bookmakers et des observateurs avisés de football en début de championnat, le club de Sheffield United déjoue tous les pronostics.


Alors que la deuxième partie de saison est lancée, le promu pointe actuellement à la sixième place du championnat, devant des cadors tels qu’Arsenal ou Tottenham. De plus, s’il était le club donné comme ayant le moins de chances de sauver sa peau parmi l’élite, force est de constater que, alors qu’Aston Villa et Norwich City devront se battre jusqu’à la dernière journée pour se maintenir, Sheffield semble lui bien parti pour finir en première partie de tableau. Alors, comment expliquer cette forme ? La réussite actuelle du club n’est-elle que passagère ? Ou devra-t-on désormais compter sur eux dans la bataille pour les places européennes pour les saisons à venir ?

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Continuité

En 2016, Sheffield United signe le coach Chris Wilder. Le club est alors pensionnaire de troisième division. En trois ans, grâce à un travail de concert du manager et de sa direction, les rouge et blanc parviennent à se hisser dans l’élite du football anglais. Pour y arriver, trois mots règnent en maitre : continuité, confiance et travail. En effet, l’équipe de Wilder est toujours restée fidèle à ses préceptes. Abnégation, pressing intense à la perte de balle, travail acharné de toute l’équipe : on attaque ensemble, on défend ensemble. Pas question pour le coach de laisser certains de ses joueurs faire preuve de relâchement, chaque individualité joue pour le bien du collectif.

Et cet acharnement, cette fidélité à une idéologie de jeu, a fini par payer. En effet, sans investir de sommes considérables dans le recrutement de grands noms, mais en optant plutôt pour des joueurs expérimentés ,mais également des hommes capables de se dévouer pour l’équipe, le jeu de Sheffield lui a permis de se hisser parmi l’élite du football anglais et de plus, de ne pas y faire figure de distributeur de victoires pour les grosses écuries (seulement quatre défaites en neuf rencontres face aux membres du Big Six).

Lorsque l’on regarde un match de Sheffield, on remarque directement cette débauche d’énergie, ce pressing constant et cette rage de vaincre. Lors de leur second match de championnat disputé à domicile, les Blades s’inclinent un but à deux face à Leicester, mais sortent sous les ovations de Bramall Lane, stade conquis par la mentalité de ses joueurs. En conférence de presse, Wilder dira cependant que ce que les joueurs ont montré ce soir-là n’est que le strict minimum de ce qu’il attend d’eux. Le ton est donné.

Un équilibre tout trouvé

Bien entendu, une philosophie de jeu ne se suffit pas à elle seule. Pour être compétitif, celle-ci doit être articulée autour d’un plan de jeu, d’une tactique bien réfléchie. Et c’est là que le management de Chris Wilder se distingue. En effet, le coach anglais a trouvé la tactique qui permet aux onze joueurs présents sur le terrain de mettre en pratique la mentalité collective. Avec son 3-5-2, Sheffield se distingue des autres équipes de Premier League, en proposant du neuf avec de l’ancien.

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Premièrement, cette composition permet d’inonder le milieu de terrain. En effet, positionner cinq joueurs permet de trouver une solution efficace en phase de possession, avec obligatoirement un homme libre. Un attaquant en décrochage peut également permettre de gagner la bataille du milieu en cassant des lignes par des passes tranchantes et des circuits de passe répétées maintes et maintes fois. En phase défensive, la création du surnombre par un pressing intense permet de déstabiliser l’adversaire dans la construction du jeu et d’empêcher les reconversions rapides.

Ensuite, dans un championnat de plus en plus compétitif et où le renouvellement tactique est quasiment indispensable, Sheffield se démarque par une composition strictement identique à chaque match, peu importe l’adversaire. Ainsi, la philosophie de jeu reste intacte. Les onze acteurs peuvent changer, la manière dont l’équipe fonctionne restera quant à elle intacte. « Faire du neuf avec de l’ancien » serait une belle manière de résumer ce vers quoi Sheffield tend. Avant l’arrivée de Mourinho à Chelsea, quasiment chaque équipe de Premier League fonctionnait dans un système de 4-4-2 à plat. Le Special One avait changé cet entêtement à un système, en proposant avec son Chelsea quelque chose de totalement différent, qui avait amené aux Blues un titre de champion d’Angleterre dès l’arrivée du tacticien portugais.

Depuis, chaque club anglais se renouvelle constamment, et les systèmes à un ou trois attaquant smais également très souvent à quatre défenseurs sont devenus la norme absolue. Chris Wilder procède différemment et propose, en plus d’un plan de jeu parfaitement réfléchi et huilé, une alchimie impressionnante entre tactiques « à l’ancienne » et renouveau.

Est-ce que ça peut durer ?

Sheffield impressionne, étonne, déjoue les pronostics et fait mentir ses détracteurs. Avec cette place dans la première partie de tableau pour leur retour dans l’élite, il est clair que les Blades ne sont pas le petit poucet prévu. Mais cela peut-il durer ? Jusqu’où peuvent-ils aller ?

Un rapide coup d’œil au classement nous indique que le club de Chris Wilder n’est a priori pas en surrégime. Leur faible nombre de buts marqués (24, deuxième plus faible attaque du top dix) est compensé par leur très faible nombre de buts encaissés (deuxième meilleure défense du championnat ex-aequo avec Leicester), symbole d’une équipe bien rôdée. Cependant, ces statistiques pures nous permettent-elles de dire avec certitude que la réussite actuelle du club peut s’inscrire dans la durée ? Rien n’est moins sûr.

Dans un premier temps, bien que l’effectif, le coach et la direction aillent dans le même sens, s’enfermer au plus haut niveau national dans une seule idéologie, mais surtout dans un seul plan de jeu n’est probablement pas une stratégie viable à long terme. Les exemples sont nombreux de ces clubs ayant connu le succès grâce aux idées d’un manager, mais ces succès restent éphémères dans la plupart des cas.

Si l’on prend à titre de comparaison le Tottenham de Pochettino, qui a connu de nombreuses saisons à des places très élevées, mais également une finale de Ligue des Champions pas plus tard que l’année dernière. Le management du tacticien argentin était pour beaucoup dans cette réussite sportive, mais force est de constater qu’un club, quel qu’il soit, finit obligatoirement par atteindre un plafond. S’il faut remettre cet exemple à l’échelle d’un club promu et, qui plus est, grâce à la même philosophie de jeu de la troisième à la première division, le plafond ne serait-il pas déjà atteint ? La question mérite d’être posée, et sans un renouvellement tactique, le club de Sheffield United risque de n’être qu’une de ces étoiles filantes. Le Leicester de Ranieri est un autre exemple. Champion inattendu au terme de la saison 2015-2016, les Foxes ont ensuite vécu quelques saisons de vaches maigres avant l’arrivée du manager actuel, Brendan Rodgers, qui a su insuffler un vent de renouveau au club de Youri Tielemans.

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Dans un second temps, la Premier League est incontestablement le championnat qui produit le plus de revenus par saison. Ces revenus, reversés aux clubs, permettent entre autres de recruter de grands joueurs, ou du moins d’être à même de remporter des négociations sur des joueurs très en vue de part leur puissance financière. Sheffield, en continuant sur une lancée de recrutement très ciblé, pourrait rapidement ne plus être à même de concourir avec les autres clubs de l’élite si des problèmes physiques venaient à survenir dans l’effectif, ce qui ne serait pas étonnant vu le niveau d’impact physique développé.

En conclusion, Sheffield United est sans aucun doute la belle surprise de cet exercice 2019-2020. Cependant, difficile de croire que cette performance pourrait être réitérée, pour les raisons explicitées ci-dessus. Mais le football étant ce qu’il est, la surprise et l’espoir sont toujours permis…

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