Sterling, le décisif oublié

Last Updated on 13 novembre 2020 by Thibault Dreze

Auteur d’un triplé ce week-end, Raheem Sterling est l’un des joueurs les plus prolifiques d’Europe. Malgré un total de buts et d’assists plus élevé que Salah, Hazard, Neymar ou encore Aubameyang, cela passe assez inaperçu.


Cette saison toutes compétitions confondues, Raheem Sterling a marqué 18 buts et donné 15 assists. Des chiffres impressionnants mais qui ne semblent pas avoir la résonance qu’ils mériteraient. Ce week-end encore, l’ailier anglais a marqué un triplé en 10 minutes à peine (le hat-trick le plus rapide en Premier League depuis celui de Romelu Lukaku avec Everton contre Sunderland en septembre 2016).

Si le premier but est sujet à discussion, les deux autres sont bien plus nets et démontrent encore un peu plus à quel point la saison de l’ancien joueur de Liverpool est mathématiquement parlant, énorme.

Encore des progrès à faire

En championnat, c’est le joueur le plus prolifique dans le petit rectangle (7 buts), devant des joueurs comme Firmino ou Kane. C’est aussi le joueur le plus décisif à domicile puisqu’il est impliqué dans 22 buts à l’Etihad toutes compétitions confondues, c’est plus que n’importe quel autre joueur en Premier League.

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Mais cela ne suffit par pour son coach, Pep Guardiola. « Il s’est fait prendre dans son dos deux fois (contre Watford), et la deuxième fois, il laissé filer son opposant. De plus il a perdu, trois ou quatre balles à des moments critiques, cela a amené des contre-attaques adverses », a expliqué le Catalan après le match face à Watford (victoire 3-1).

Avant de tout de même congratuler son joueur. « Bien sûr, je suis content de ce qu’il a fait et pour ses trois buts. J’aimerais jouer la première mi-temps qu’il a jouée puis marquer trois buts, je serais l’homme le plus heureux du monde. Mais je pense que c’est bien pour moi aussi, de sentir que nous pouvons faire mieux, sa première mi-temps n’était pas la meilleure de sa saison. C’est pourquoi je le lui dis« .

Et si ces manquements prenaient le dessus sur ses performances ? Il est vrai qu’on ne peut jamais quantifier la qualité d’un joueur en regardant uniquement ses statistiques. Mais pour son coach, qui préfère pointer ses défauts avant de la féliciter, peu importe le nombre de buts marqués il faut se mettre au service de l’équipe. Ses déclarations sur Bernardo Silva le prouvent bien, le Portugais n’avait pas été décisif depuis un moment, ce qui n’avait pas empêché le coach d’être totalement admiratif du travail de l’ancien monégasque.

Les mots de Guardiola sont aussi un façon de pousser Sterling à se dépasser encore et encore et surtout de travailler pour l’équipe.

Mal aimé ou sous-estimé ?

« C’est incroyable parce que sa première année à City a été difficile, puis à partir du moment où Pep est arrivé, il est devenu de plus en plus puissant. Explique son capitaine Vincent Kompany. Pour moi, c’est l’un des meilleurs ailiers au monde. Il est tellement important pour nous. Avoir la capacité de percer des défenses alors que les adversaires sont parfois à 10 derrière, c’est le signe d’un joueur de haut, haut, haut niveau. » Si pour Vincent Kompany c’est clair, ça l’est moins pour d’autres observateurs.

Il a pourtant beaucoup d’atout. Il est jeune, prometteur, décisif et Anglais. Mais Sterling ne fait pas l’unanimité. Il est vrai qu’Heemio (le surnom donné par ses amis parce qu’il aime jongler comme un Brésilien) traine une image négative. Né à Kingston, il rejoint sa mère en Angleterre à l’âge de 5 ans pour fuir la drogue et la violence en Jamaïque. 4 ans plus tard, son père y est d’ailleurs assassiné et le jeune Raheem se réfugie alors dans le football. À QPR d’abord et Liverpool ensuite. Alors que le club de la Mersey souhaite prolonger son contrat, il refuse. Un comportement mal vu par les supporters qui n’hésitent pas à le huer alors qu’il reçoit le trophée de meilleur jeune de la saison. Il quitte Liverpool pour Manchester en 2015 contre 70 millions d’euros.

Ses débuts en Skyblues sont difficiles et cela ne se passe pas mieux en sélection (élimination de l’Angleterre à l’Euro 2016 face à l’Islande, sans que Sterling ne joue un match complet). Mais la machine va démarrer pour de bon à l’arrivée de Pep Guardiola, qui lui fera directement confiance.

Un cheminement assez classique pour le joueur mais qui a toujours été pointé du doigt pour des faits extra-sportifs. Comme les rumeurs sur sa paternité disant qu’il aurait eu 8 enfants à seulement 19 ans. Il a également attiré le regard sur sa vie privée en souhaitant un joyeux anniversaire à sa fille Melody Rose une semaine trop tôt sur Twitter.

Dernier fait en date ? Son tatouage représentant un fusil d’assaut. Cela avait suscité une vraie polémique en Angleterre à l’aube de la Coupe du Monde 2018. Certains réclamant même son exclusion de l’équipe nationale. Le joueur a préféré répondre en tweetant que « son père avait été tué par arme lorsqu’il avait deux ans et qu’il s’était promis de ne jamais toucher une arme de sa vie. Je tire avec mon pied droit. Cela a donc une signification bien plus profonde  ».

Il avait également reçu le soutien de Gary Lineker qui avait trouvé « cette persécution dégoûtante et que c’était le propre de ce pays d’atteindre le moral des joueurs en les détruisant avant un grand tournoi  ». Le Guardian ne s’était également pas fait prier pour le défendre, et avait qualifié Sterling de « victime du snobisme des tabloïds ».

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Sterling était devenu un cible de choix pour les tabloïds ce qui, au fur et à mesure, a sans doute créé dans l’inconscient collectif une forme de rejet, de mépris pour ce joueur. Et à la moindre brèche tout le monde s’y engouffre.

La saison de de la reconnaissance ?

S’il ne doit rien à personne et encore moins aux médias, sa mission séduction tourne en mission impossible. Il a beau être un joueur ultra décisif, les médias n’ont d’yeux que pour les Salah, Hazard et autres Kane. L’image reflétée par la mauvaise presse du prodige anglais a la vie dure et il devient vraiment difficile pour le joueur d’être reconnu à sa juste valeur.

Alors que Guardiola confirme son intention de passer au moins deux autres saisons à Manchester City, la perspective de voir Sterling progresser est prometteuse et l’attaquant pourrait enfin être reconnu comme un cadre. Mais il n’est pas simple d’évoluer dans l’ombre de joueurs charismatiques comme Aguero ou Kompany, ou de joueurs esthétiques comme De Bruyne et les deux Silva. Sans oublier l’intérêt grandissant des fans pour un Sané ou Foden. Parmi ce beau monde, Raheem Sterling peine à se faire une place de choix aux yeux des fans.

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Si son potentiel a toujours été considéré comme énorme, il ne s’agit plus de ce que Sterling peut devenir, mais de ce qu’il est: une des pierre d’angle du succès de City et un des joueurs les plus décisif en Europe.

Et le fait que tout le monde quitte l’Etihad sans s’étonner de voir que Sterling a inscrit son premier triplé en trois ans et demi est d’autant plus déconcertant. D’un côté cela n’étonne personne, mais d’un autre personne ne semble s’en enthousiasmer.

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